par Yanik Comeau (ZoneCulture / Comunik Média)
Comme toutes les directions de théâtre, la directrice générale et artistique du Prospero Carmen Jolin a eu à négocier avec des conditions en constantes mutations pendant les dix-huit derniers mois. Mais contrairement à d'autres, elle a aussi eu à gérer la préparation de son départ, les conséquences de son choix de quitter la barre du théâtre qu'elle a chéri et grandement contribué à faire prospérer (sans jeu de mots...) pendant plus de 10 ans. Mercredi le 25 août, en compagnie de celui qui lui succédera, Philippe Cyr, elle a annoncé la programmation de sa dernière saison.
Carmen Jolin photographiée par son successeur, Philippe Cyr.
Cette saison, elle a pu la présenter sur la scène de son théâtre, devant un public composé d'abonnés privilégiés, d'artistes qui venaient échanger avec elle sur les spectacles qu'ils allaient contribuer à sa saison et des journalistes. Elle l'a fait en présence du Ministre du Patrimoine Canadien Steven Guilbeault, député du comté de Laurier-Sainte-Marie, son député. Elle en a profité pour le remercier pour la grande sensibilité du Fédéral aux besoins des artistes mais aussi pour lui dire combien elle avait eu à composer avec beaucoup de formulaires et de conditions à respecter pour obtenir l'aide néanmoins très généreuse... tout en rappelant au Ministre les besoins du Prospero en matière de rénovations et d'agrandissement. Un petit moment de malaise qui fait toujours rire jaune mais que le Ministre a humblement accueilli après avoir lui-même adressé la question de sa nomination au Patrimoine, ce qui a fait rire l'auditoire mais lui a fait réalisé qu'après le choc, l'homme avait certainement livré la marchandise.
L'Honorable Ministre du Patrimoine Canadien Steven Guilbeault en compagnie de Carmen Jolin lors du lancement de la saison du Prospero. (Photo: Émilie Lapointe)
Présentée comme «un retour puissant au spectacle», la dernière saison de Carmen Jolin sera un amalgame de projets qui ont pu être développés en laboratoire pendant le pire de la pandémie sans pouvoir être présentés au public, de projets qui arrivaient à point et de productions proposées par des compagnies invitées qui ont trouvé l'oreille dont elles avaient besoin.
La saison s'ouvrira sur la cinquième édition de Territoires de paroles, un partenariat avec le Festival international de la littérature qui nous permettra enfin de voir le projet coup de coeur de la comédienne et metteure en scène Catherine de Léan, La Fin de l'homme rouge de Svetlana Alexievitch, une adaptation scénique d'un livre qui l'a marquée et qu'elle a trouvé si théâtral qu'elle a voulu le porter à la scène. On y rencontre quatre «protagonistes ordinaires de la Grande Histoire soviétique». Paul Ahmarani, Dominique Quesnel, Benoit Mauffette et Larissa Corriveau forment la distribution. Deux soirs seulement dans la salle principale, les 28 et 29 septembre.
Le deuxième laboratoire est celui de l'artiste multidisciplinaire et performeuse Soleil Launière qui propose Akuteu, son premier texte de théâtre, une histoire très personnelle qui traite du vécu d'une femme innue qui «passe pour blanche» malgré ses racines autochtones qu'elle ne renie pas, dont elle s'inspire mais qu'on lui reproche parfois de ne pas mettre assez de l'avant... ou trop. Deux soirs seulement aussi, les 2 et 3 octobre.
Du 23 novembre au 11 décembre, Angela Konrad et sa compagnie La Fabrik seront de retour avec Platonov, amour, haine et angles morts d'après Tchekhov, un des grands succès de la saison 2018-2019, mais dans une toute nouvelle adaptation plus québécoise signée Michel Tremblay. La même distribution qui avait ravi en français international s'attaquera maintenant à l'oeuvre en québécois: Renaud Lacelle-Bourdon, Violette Chauveau, Samuel Côté, Pascale Drevillon, Debbie Lynch-White, Marie-Laurence Moreau, Diane Ouimet et Olivier Turcotte. Comme quoi Tchekhov, un des auteurs fétiches de Tremblay (il a déjà adapté Oncle Vania et vient de terminer l'écriture de Cher Tchekhov qui sera présentée en fin de saison au TNM) est une source intarissable d'exploration de l'âme humaine, des relations humaines et amoureuses. J'avais savouré la première mouture de ce spectacle mais j'avais entendu des commentaires de quelques personnes qui se questionnaient sur la pertinence de ne pas jouer dans une langue plus proche de la nôtre. Il semblerait qu'ils aient été entendus.
Du 11 au 29 janvier 2022, Joël Beddows, directeur artitique sortant du Théâtre Français de Toronto, dans une autre de ses collaborations avec La Veillée et Carmen Jolin, mettra en scène Solstice d'hiver de l'Allemand Roland Schimmelpfennig, autre résultat du laboratoire Territoires de paroles 2020. Gregory Hlady, Catherine de Léan, Benoit Mauffette et Louise Naubert joueront ce texte «caustique, grave et humoristique».
Du 15 février et au 5 mars 2022, Christian Lapointe, le directeur artistique du Théâtre Carte Blanche (anciennement Théâtre Blanc de Québec), mettra en scène Quand nous nous serons suffisamment torturés de Martin Crimp, un auteur qu'il affectionne particulièrement et dont il suit fidèlement la carrière. Le Reste vous le connaissez par le cinéma avait été présentée à Espace GO et au Centre National des Arts. Cette fois, il dirigera un puissant duo d'acteurs, Céline Bonnier et Emmanuel Schwartz, réunis pour la première fois sur scène. La pièce est une adaptation scénique par Crimp de 12 variations sur Paméla de Samuel Richardson, un texte fascinant dont Lapointe parle avec un enthousiasme contagieux.
Carmen Jolin, Céline Bonnier, Christian Lapointe et Philippe Cyr.
(Photo: Émilie Lapointe)
Tellement excitant aussi de savoir que La Veillée renouera avec l'écriture de Fabrice Melquiot (Le Poisson combattant) qui arrive avec une toute nouvelle pièce, un solo, dirigé partiellement à distance par le metteur en scène français Roland Auzet. Reliés par Zoom et les technologies à cause de la pandémie, la comédienne Sophie Desmarais (qui en sera à son premier solo en scène) et son metteur en scène pourront bientôt travailler face à face pour nous présenter cette création, The One Dollar Story, du 22 mars au 16 avril 2022.
La saison dans la Salle Principale se terminera sur la reprise par Sophie Cadieux, dont c'était l'anniversaire de naissance le soir du lancement de la saison, de 4.48 Psychose de la Britannique Sarah Kane. Le metteur en scène français Florent Siaud, qui se partage depuis un moment entre la France et le Québec (c'est à lui qu'on doit le Britannicus du TNM et Les Enivrés d'Ivan Viripaev au Prospero il y a quatre ans), s'attaquera à cette relecture d'une oeuvre coup de poing qui a déjà connu un succès fracassant. Du 15 au 22 mai 2022.
Dans la salle intime
La Salle Intime rouvrira ses portes le 25 janvier avec L'Âge du consentement de Peter Morris que mettra en scène Philippe Gauthier. Ensuite, la jeune auteure Émilie Lajoie fait appel à Sophie Cadieux pour la diriger dans Notre Petite Mort, un solo qui traite de la maternité comme accomplissement ultime des femmes. Viendra ensuite À toi, je peux tout dire d'Hugo Turgeon qui sera mise en scène par son ancien prof au Cégep Garneau le metteur en scène Gill Champagne, ancien directeur artistique du Théâtre du Trident et du Théâtre Blanc. Finalement, Le Fils de sa mère de Julien Storini et Louise Dupuis a été écrite à partir d'interminables messages téléphoniques laissés à Storini par ses parents dans sa boîte vocale, messages qui sont devenus matière première de cette pièce. Carmen Jolin a d'ailleurs joint l'auteur par téléphone en direct de France pour qu'il nous parle de son spectacle. Difficile de ne pas rire!
Difficile aussi de ne pas se passionner pour un projet commun du Groupe La Veillée et de l'Agora de la Danse, les deux directrices Francine Bernier et Carmen Jolin s'associant autour du travail de la chorégraphe Mélanie Demers, un spectacle intitulé Cabaret Noir, né de la dernière édition de Territoires de paroles. Vlad Alexis, Florence Blain Mbaye, Stacey Désilier et Anglesh Major monteront sur scène pour ce spectacle alliant théâtre et danse et présenté «Hors les murs» du Prospero à l'Agora de la Danse du 13 au 16 avril 2022.
Pour plus d'information, on consulte le nouveau site du Prospero créé par Principal sur www.theatreprospero.com .
Comments