par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Depuis presque toujours, le Théâtre Denise-Pelletier (anciennement La Nouvelle Compagnie Théâtrale), qui lançait ces derniers jours sa 59e saison, s’est fait un devoir et un bonheur de faire découvrir aux jeunes les grandes œuvres de la dramaturgie mondiale mais aussi de la littérature. Au fil des années, ce sont autant Dostoïevski qu’Anne Hébert, Robert Lewis Stevenson que Jacques Godbout, Alexandre Dumas père que Louisa May Alcott qui ont été transposés à la scène. Ces jours-ci, c’est l’œuvre romanesque de Camus, sous la plume bienveillante d’Evelyne de la Chenelière qui foule les planches du Théâtre Denise-Pelletier.
Le grand théâtre d’Hochelaga-Maisonneuve a déjà accueilli Camus, ayant proposé des productions de ses pièces Les Justes et Caligula, mais voilà maintenant que c’est l’histoire de Meursault, Marie, Raymond et l’Arabe de L’Étranger qu’Evelyne de la Chenelière visite et transpose, lui ajoutant, quelque 80 ans plus tard, un miroir moderne avec une histoire parallèle se situant à Montréal, l’histoire de Medi le jeune immigré algérien et son amoureuse Camille.
Avec sa légendaire plume sensible (Bashir Lazhar, Des fraises en janvier, Aphrodite en 04, L’Héritage de Darwin), Evelyne de la Chenelière plonge dans un roman de son adolescence pour le faire découvrir aux adolescents d’aujourd’hui. Bien que son adaptation n’ait rien de linéaire et soit (volontairement?) décousue, la poésie, la philosophie, l’ambiance de Camus demeurent intactes. Dans un magnifique décor évocateur créé par Romain Fabre et avec des projections de Gaspard Philippe, le metteur en scène Florent Siaud (Les Enivrés, Britannicus, 4.48 psychose) dirige une distribution formidable et tend au public cette œuvre poétique toute en nuances et en chaleur.
On se réjouit du casting judicieux. Maxim Gaudette et Evelyne Rompré dans les rôles de Meursault et Marie, des comédiens qui font désormais partie de la famille de Florent Siaud lui qui les a dirigés entre autres dans Britannicus et Les Enivrés. Pour incarner le jeune couple moderne, Mustapha Aramis et Mounia Zahzam sont drôles et touchants à la fois. Daniel Parent, un acteur d’une grande versatilité, se glisse tour à tour avec habileté dans les habits de Raymond et de l’aumônier. Enfin, la présence à la fois chaude et troublante de Sabri Attalah (Le Sexe des pigeons, Géolocaliser l’amour), dont la voix profonde rappelle celle de Grand Corps Malade, offre une performance presque fantomatique, qui hante.
C’est donc sous le soleil cuisant d’Alger de 1940 et le ciel enneigé de Montréal des années 2020 que la saison 2022-2023 du Théâtre Denise-Pelletier s’ouvre avec À cause du soleil, un spectacle d’une grande beauté qui, souhaitons-le, rejoindra son public malgré un certain hermétisme qu’il faut embrasser.
À cause du soleil d’après l’œuvre d’Albert Camus
Texte: Evelyne de la Chenelière
Mise en scène: Florent Siaud
Assistance à la mise en scène: Stéphanie Capistran-Lalonde
Avec Mustapha Aramis, Sabri Attalah, Maxim Gaudette, Evelyne Rompré, Daniel Parent et Mounia Zahzam
Scénographie: Romain Fabre
Costumes: Julie Charland assistée de Yso
Lumières: Marc Parent
Conception sonore: Julien Éclencher
Dramaturgie: François-Édouard Bernier
Maquillages et coiffures: Florence Cornet
Concepteur vidéo: Gaspard Philippe
Une production du Théâtre Denise-Pelletier
Du 21 septembre au 15 octobre 2022 (approximativement 1h20 sans entracte)
Théâtre Denise-Pelletier, 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal
Réservations: 514-253-8974
Information: www.denise-pelletier.qc.ca
Photos: David Ospina
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