par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Comme on l’explique sur le site d’Orange Noyée, la compagnie de production de l'auteur, comédien et metteur en scène, après avoir présenté des pièces «jouant avec les chiffres de 1 à 9 et traitant de multiples facettes identitaires, Mani Soleymanlou revient à ZÉRO, au grand vide.» Ce grand vide n’est pas vide du tout puisqu’il s’agit de la plus personnelle de ses facettes identitaires, celles qui le lient à son géniteur, à ses racines iraniennes, à celles qu’il léguera ou non, volontairement ou à son corps défendant, à son fils, ce petit Québécois à la mère Lavalloise (Sophie Cadieux, pour ne pas la nommer) qui devra épeler son nom de famille toute sa vie.
Pour avoir vu UN.DEUX.TROIS et Neuf [titre provisoire] et avoir bu les paroles de l’auteur (et de ses coauteurs Emmanuel Schwartz dans le premier cas, Marc Messier, Mireille Métellus, Henri Chassé, Monique Spaziani et Pierre Lebeau dans le deuxième cas), j’avais très hâte de voir Zéro et m’étais fait un devoir – comme c’est souvent le cas – de lire le moins possible sur le spectacle avant de le voir pour éviter les a priori, quitte à faire de la recherche après, avant d’écrire ma critique, si nécessaire.
Dès l’entrée en salle, on est en terrain connu avec cette montagne de chaises qui représente (peut-être – parce qu’on est en droit de se faire sa propre idée là-dessus, c’est toujours la beauté de la chose) le fouillis qui a élu domicile dans la tête de Mani. Ses souvenirs d’enfance en Iran sont flous, l’histoire que son père lui a raconté tout récemment – quarante quelques années après les événements – est troublante (que peut-il en déduire? L’inclura-t-il dans un spectacle comme son père le souhaite? Qu’est devenu l’autre «personnage» de cette histroire? A-t-il eu un fils, un petit-fils lui aussi?), pendant 100 minutes, Mani tentera de faire le ménage dans tout ça et nous entraînera dans sa réflexion pour notre plus grand bonheur.
À l’instar de Michel Tremblay qui a raconté l’histoire de Nana, Victoire, Albertine en morceaux sans respecter la chronologie, sautant d’une époque à l’autre pour éventuellement constituer des puzzles complets, Mani Soleymanlou revient en arrière, plus loin en arrière, mais saute aussi dans l’avenir avec Zéro. C’est un Mani survolté, névrosé, drôle, excité, énergique, découragé, frustré, épuisé qui filera comme une comète sous nos yeux, se posant seulement pour raconter une histoire de dodo à son fils ou pour nous «dicter» cette histoire haletante du kidnapping de son père qui aura duré quelques heures mais qui changera les vies de toute sa famille.
Tout au long de Zéro, Mani partage son point de vue – souvent de façon… coquine, disons? – sur la gauche, la droite, la diversité et les subventions qui y sont maintenant rattachées, ce qu'on peut dire et pas dire (faisant des clins d’œil à Kanata, SLAV), le milieu du théâtre et l’écriture (clins d’œil à Wajdi Mouawad, Michel Tremblay, Michel Marc Bouchard…) et j’en passe dans un monologue aussi haletant que l’histoire de son père, transportant le public dans un passionnant aller-retour que j’apparenterais à un étourdissant mais passionnant séjour dans le cerveau d’un TDAH sur le 400 volts.
J’aime Mani Soleymanlou. J’aime son univers, sa générosité, son authenticité, son franc-parler, son universalité dans l’unicité. Zéro revient à l’origine, oui, peut-être… boucle une boucle (peut-être), mais se tient bien en elle-même, comme œuvre, sans qu’on ait besoin d’avoir vu les autres. Même si je suis très heureux d’avoir eu ce privilège.
Zéro de Mani Soleymanlou Mise en scène et interprétation: Mani Soleymanlou Assistance à la mise en scène et régie: Jean Gaudreau Conception lumières: Erwann Bernard Conception sonore: Larsen Lupin Composition originale: Albin de la Simone Production exécutive: Xavier Inchauspé Direction de production (reprise): Erika Maheu-Chapman Direction de production (création): Catherine La Frenière Direction technique (tournée): Nat Descôteaux Direction technique (création): Éric Le Brec’h Production déléguée (création): Stéphanie Laurin Production déléguée (reprise): Vanessa Beaupré + Marie-Laurence Rock
Production: Orange Noyée en coproduction avec le Théâtre Français du Centre National des Arts d'Ottawa 2 au 5 avril 19h, 6 avril 15h (durée: 1h40 sans entracte) Usine C, 1345, avenue Lalonde, Montréal Informations: https://usine-c.com/spectacle/zero Tournée: Les 22 et 23 mars 2024 au Théâtre de la Ville, Longueuil
Le 26 mars 2024 à la Salle Pauline-Julien, Sainte-Geneviève
Le 27 mars 2024 au Cabaret-Théâtre du Vieux-Saint-Jean, St-Jean-sur-Richelieu
Du 12 au 14 avril 2024 à La Troupe du Jour, Saskatoon
Le 18 avril 2024 à la Salle Maria-Chapdelaine, Dolbeau-Mistassini
Le 19 avril 2024 à La Rubrique, Jonquière
Le 26 avril 2024 à la Salle Georges-Codling, Sorel-Tracy
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