par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
D’entrée de jeu, je confesse mon amour pour l’œuvre de Michel Marc Bouchard et le travail de Florent Siaud, deux grands artistes que je suis avec intérêt, un depuis 40 ans, l’autre depuis près de 10 ans. Malheureusement, avec Une Fête d’enfants, nouvelle création de l’auteur et première incursion du metteur en scène dans son univers, ni l’un ni l’autre n’offre son meilleur. Cependant, les deux, amis et complices de Lorraine Pintal, directrice sortante du TNM, ne sont pas 100% responsable du mauvais choix de cette pièce dans la programmation du plus grand théâtre institutionnel de Montréal, celle qui avait légèrement modifié le mandat du TNM avec la phrase «le théâtre de tous les classiques, ceux d’hier et ceux de demain». Là-dessus, malgré le talent indéniable de Michel Marc Bouchard et la grande qualité de son écriture, cette pièce ne deviendra pas un de ses classiques de demain.
Une des grandes forces de Michel Marc Bouchard est son intemporalité, sa capacité à créer des œuvres qui passent l’épreuve du temps. Des pièces comme Les Muses orphelines, Les Feluettes, Le Peintre des Madones, Le Voyage du couronnement, La Divine illusion, Le Chemin des Passes-Dangereuses et même les plus récentes Tom à la ferme et La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé ont toutes ce qu’il faut pour être reprises et passer à l’histoire. Plusieurs l’ont déjà été et sont jouées à travers le monde. Avec Une Fête d’enfants, bien que l’on reconnaisse toujours l’excellente écriture de l’auteur, ses clins d’œil brillants à la mythologie grecque et un retour aux sources fascinant avec une thématique (l’homoparentalité) qu’il avait abordée en tout début de carrière – visionnaire s’il en est à l’époque! – avec La Contre-Nature de Chrysippe Tanguay, écologiste, il fait des choix de structure (beaucoup trop de monologues, entre autres) qui desservent sa prémisse de départ. Aussi, le personnage principal de la pièce, le David/Narcisse incarné par François Arnaud, muse de l’auteur, est tellement égoïste, centré sur lui-même qu’on lui trouve aucune «qualité rédemptrice» (on me pardonnera, j’espère, la traduction Google de l’expression scénaristique consacrée «Redeaming quality» en anglais).
Plus que jamais, à la manière d’un Denys Arcand au cinéma, Michel Marc Bouchard parsème ses monologues d’observations très justes sur la vie de tous les jours. Des moments qui font rire le public (tant dans la bouche de l’excellente Sylvie Drapeau que dans celle de François Arnaud). Mais j’en reviens aux problèmes/choix de structure qui alourdissent la pièce et nuisent au rythme de la pièce. Ici, on tombe malheureusement dans l’abondance de «je ne veux pas l’entendre, je veux le VOIR».
En ce qui concerne la mise en scène, peut-être faudrait-il que Florent Siaud réévalue son emploi du temps. Un des metteurs en scène les plus brillants et inovateurs de sa génération, peut-être s’est-il un peu trop éparpillé ces derniers temps. Multiplier les projets sur deux continents, c’est formidable, mais un moment donné, il y a des projets qui souffrent et, à mon avis, son travail a manqué de rigueur sur Une Fête d’enfants. Des choix étranges dans une scénographie magnifique mais bizarrement utilisée.
Ensuite, voir Sylvie Drapeau sur scène, c’est toujours un cadeau. Elle s’approprie joyeusement cette Claire, dentiste à la retraite, riche bourgeoise à la maison magistrale qui consacre maintenant beaucoup de temps à sa nouvelle passion, l’art du collage… et le sniffage de colle. On est aussi soufflé, encore une fois, par le grand talent d’interprète de Iannicko N’Doua qui est cependant relégué au rôle de faire-valoir pour François Arnaud autour duquel tout ce projet a été construit de toutes pièces.
Je l’ai dit à la sortie du TNM vendredi soir, je crois qu’Une Fête d’enfants aurait été beaucoup mieux servie sur la scène de la Salle Michelle-Rossignol du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, l’ancienne maison de Michel Marc Bouchard, qui pourrait le redevenir quand il crée des pièces plus intimes qui sont pertinentes (il l’est toujours) mais qui ne figureront pas au palmarès de ses classiques.
Une Fête d’enfants de Michel Marc Bouchard Mise en scène: Florent Siaud Assistance à la mise en scène: Adèle Saint-Amand Avec Sylvie Drapeau, François Arnaud et Iannicko N’Doua Décor: Romain Fabre Costumes: Julie Charland Éclairages: Nicolas Descôteaux Musique originale: Vincent Legault Conception vidéo: Félix Fradet Faguy Accessoires: Marie-Ève Fortier Maquillages: Florence Cornet Régie: Nadia Bélanger Une production du Théâtre du Nouveau Monde Du 14 janvier au 8 février 2025 (Durée: 1h20 sans entracte) représentations du mardi au samedi (2 représentations le samedi) ***Supplémentaires: dimanche le 2 février 14h mercredi le 12 février 19h30 Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://ticket.tnm.qc.ca Photos: Yves Renaud
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