par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
Le Théâtre du Double Signe de Sherbrooke est une de ces compagnies qui mérite une attention toute particulière, elle qui crée en Estrie des spectacles – souvent des textes québécois originaux – d’une audace peu commune. Au fil des années, Montréal a pu voir plusieurs de ces spectacles qui ont eu la chance de tourner, grâce à des directeurs artistiques tout aussi audacieux comme Carmen Jolin (je me souviens d’un mémorable Le Nouveau Locataire d’Ionesco au Prospero) et Claude Poissant (le Minuit de Marie-Hélène Larose-Truchon, entre autres, une coproduction avec le Petit Théâtre de Sherbrooke).
Avec Une Fille en or, c’est une coche de plus que le Théâtre du Double Signe plonge dans l’audace avec l’écriture de Sébastien David. L’auteur, metteur en scène et comédien a puisé son inspiration dans Les Métamorphoses du poète romain Ovide et le spectacle, qui arrive dans la petite salle du Théâtre Denise-Pelletier un an après l’adaptation par Claude Poissant de La Métamorphose de Kafka dans la grande, amène le spectateur dans un univers glauque, sale, grunge (affirme l’argumentaire), dans une poésie urbaine, contemporaine, dure mais néanmoins étrangement rafraîchissante. Un univers complètement décalé, dystopique certes, certains diraient trash, qui n’est pas sans rappeler Le Brasier de David Paquet.
Et Sébastien David a une voix bien à lui, une écriture singulière qui n’est peut-être pas pour tout le monde mais qui est résolument savoureuse, voire jouissive.
Tout aussi savoureuse et jouissive est sa mise en scène qui marie avec bonheur effets d’éclairage, vidéo, composition musicale et scénographie réminiscente de Beckett (hum, et s’il y avait un lien avec le fait que Sébastien David ait écrit une autre pièce dont le titre est En attendant Gaudreault?). L’auteur/metteur en scène dirige avec une complicité évidente la formidable Amélie Dallaire qui joue avec un abandon époustouflant la fille en or, celle en terre, celle en double et celle en pixels. Sébastien David prend aussi le pari – tellement heureux – d’incarner lui-même son narrateur, donnant une troublante impression d’omniprésence à l’auteur tout-puissant qui semble dicter à sa comédienne le quotidien de ses personnages.
Cette écriture audacieuse (on y revient) n’est certes pas pour tout le monde, mais parsemée d’humour noir, déjantée, trash, la partition de Sébastien David a quelque chose d’un OVNI dans le paysage théâtral québécois et cette production ouvre de manière trépidante la saison de la Salle Fred-Barry.
Une Fille en or de Sébastien David Mise en scène: Sébastien David Assistance à la mise en scène: Aurélie Marcoux et Andrée-Anne Pellerin Interprétation: Amélie Dalaire et Sébastien David Lumières: Andréanne Deschênes Scénographie: Marie-Audrey Jacques Costumes et relais artistique au décor: Wendy Kim Pires Composition musicale: Julien Éclancher Vidéo: William V. Saumur Direction de production: Caroline Ferland Direction technique: Marin Villevieille Conseil artistique: André Gélineau Direction artistique: Hubert Lemire Régie: Adèle St-Amand Une production du Théâtre du Double-Signe (Sherbrooke) Du 6 au 24 septembre 2022 (1h30 sans entracte) Salle Fred-Barry (Théâtre Denise-Pelletier), 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal Réservations : 514-253-8974 Photos: Jessica Garneau
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