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Théâtre: «Tony vend des billets» de Maxime Brillon: Les âmes derrière la machine

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)

Depuis l’arrivée de David Laurin et Jean-Simon Traversy à la barre de Duceppe, d’abord avec leur petite compagnie LAB87 et maintenant avec des appels à projets qu’ils lancent aux jeunes compagnies qui ont des projets à proposer dans le cadre de leurs 5 à 7 Duceppe inspirés de la tradition anglo-saxonne européenne A Pie, a Pint and a Play, on se régale de cette délicieuse innovation qu’ils avaient d’abord proposée à La Licorne.



Après Toutes les choses parfaites, Il faudra bien qu’un jour, Le Loup et, plus tôt cette saison, Le Cas Nicolas Rioux d’Érika Mathieu, le collectif Le Tôle arrive avec une nouvelle pièce de Maxime Brillon qui nous avait donné, en 2019, Nous avons ciré nos canons numériques dans un sweatshop portugais, une pièce singulière présentée au Théâtre Aux Écuries et que j’avais trouvé fascinante. Avec Tony vend des billets, le jeune auteur plonge cette fois dans son expérience très personnelle de préposé à la clientèle pour une grosse machine de billetterie, un des Ticketmasters de ce monde… si ce n’est pas carrément celle-là puisque le nom fictif de la grosse boîte a été rebaptisée Ticketfaster dans sa pièce.



Pour plonger le spectateur dans les méandres du monde de la billetterie, Brillon invite le non-initié à entrer sur la pointe des pieds comme le jeune Jazz (attachant, touchant, drôle, brillant Dominick Rustam) qui en est à sa première journée de travail et qui doit sauter dans le pas-creux sans flotteurs. Il recevra sa formation de Tony, un habitué, un vieux de la veille… tellement omniprésent et omniscient qu’il se détriple ! En effet, le Tony sera incarné à la fois par Justin Laramée, Fabiola N. Aladin et Joanie Martel qui représentent, chacun à leur manière, les différentes facettes de la personnalité du Tony en question. Ingénieux et riche, autant quand chacun est en tête-à-tête avec Jazz que quand Tony se fusionne et devient un genre de chœur d’une redoutable efficacité.



Les dialogues de Brillon sont riches, tranchants, incisifs, drôles et sa métaphore de la machine à imprimer les billets – qui procure une grinçante et brillante bande sonore tout au long de la représentation – est criante. L’être humain est-il en train de devenir désuet, obsolète? Si oui, pourquoi a-t-on toujours besoin d’un humain pour répondre au téléphone? Peut-être que le client peut tout faire en ligne maintenant, mais peut-il vraiment parler à une intelligence artificielle lorsqu’il a besoin de se faire rembourser, savoir ce qui se passe lors d’une annulation de concert? Pendant la pandémie de COVID-19, les préposés au service à la clientèle des billetteries de tous les théâtres, toutes les salles de spectacle ont plus que jamais dû être des canards efficaces : on pédale comme des malades sous l’eau mais en surface, y a rien qui paraît!



Autour du charismatique Dominick Rustam, Justin Laramée (qui avait signé la mise en scène de Nous avons ciré… et qui a triomphé dernièrement avec sa Run de lait), Fabiola N. Aladin (découverte dans M’entends-tu ? et triomphante cette saison à la LNI) et Joanie Martel sont absolument fabuleux. Tous d’un naturel désarmant, ils réussissent à créer une osmose formidable tout en se distinguant de belle manière. Les filles ont particulièrement la belle part du gâteau. On en redemande et on a déjà hâte de les revoir sur scène dans… n’importe quoi!



La mise en scène de Marie-Ève Groulx est rigoureuse et brillante, utilisant efficacement la coulisse du Théâtre Jean-Duceppe pour mettre en valeur le texte et ses excellents interprètes. Tony vend des billets, tout en passant un message clair mais pas prêchi-prêcha ou assommant, s’avère un divertissement rafraîchissant qui fait du bien.



Tony vend des billets de Maxime Brillon

Mise en scène: Marie-Ève Groulx

Conseiller dramaturgique: Sasha Dion

Avec Fabiola Nyrva Aladin, Justin Laramée, Joanie Martel et Dominick Rustam

Une production du Collectif Tôle dans le cadre des 5 à 7 Duceppe

14 mars au 7 avril 2023, du mardi au vendredi à 17h30 – ouverture des portes : 17h (durée: 50 minutes sans entracte)

Coulisses du Théâtre Jean-Duceppe, Place des arts, Montréal

Billets: 514-842-2112

Photos: Danny Taillon

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