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Théâtre: «Royal» de Jean-Philippe Baril-Guérard: Avocats du diable

Dernière mise à jour : 18 avr.

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


   Après avoir présenté l’adaptation de son quatrième roman Manuel de la vie sauvage avec beaucoup de succès en ouverture de saison 2021-2022, Duceppe revient vers Jean-Philippe Baril-Guérard pour porter à la scène son troisième roman, Royal, en fermeture de saison 2023-2024.



Encore une fois, on plonge dans ce que l’auteur connaît, des personnages de sa génération… mais incarnés par des jeunes qui ont maintenant dix ans de moins que lui parce que le roman a huit ans déjà. On y croise même la comédienne Camille Brunelle (Florence Deschênes) qui était aussi dans Manuel de la vie sauvage. Jean-Simon Traversy, qui a signé la mise en scène de Manuel et s’adjoint maintenant la chorégraphe Virginie Brunelle, est en terrain connu. On retrouve l’énergie survoltée (boostée par des chorégraphies formidables), l’environnement sonore de Nicolas Basque, les éclairages de Julie Basse (c’est peut-être la seule chose qui m’a énervé du spectacle cette fois) et l’écriture incisive, coup de poing, brillamment cynique et drôle de Jean-Philippe Baril-Guérard.



   Avec Royal, Duceppe va chercher une généreuse subvention du Fonds Mille et Un pour la jeunesse qui lui permet d’embaucher une grosse distribution de jeunes acteurs quasi-inconnus (on s’entend que depuis un an, on se réjouit de voir Valérie Tellos et Irdens Exantus, entre autres, partout, alors ils sont de plus en plus connus, mais…) et minimiser son risque financier. Contre toute attente (mais peut-être pas parce que Duceppe est en train de sérieusement renouveler, rajeunir son public depuis trois ans), les salles se remplissent et on annonce déjà cinq supplémentaires au moment d’écrire ces lignes. La voix de Jean-Philippe Baril-Guérard qui fait courir ces foules? Le public ravi de Manuel de la vie sauvage qui revient et amène des amis? Un public juste friand de voir de nouveaux visages, de nouveaux talents qui envoie un message clair aux théâtres qu’ils peuvent continuer à prendre des risques? Va savoir, comme dirait Réjean Ducharme.



   Cela étant dit, Royal est une adaptation respectueuse du roman (dixit l’ami fan de la littérature de Baril-Guérard et qui l’a lu) et une production théâtrale enlevante, haletante, brillamment mise en scène, en musique, en mouvement. Une scénographie somme toute dépouillée – un immense rideau de «cordes» sur lesquelles on projette les visages des personnages pour donner de la perspective, de la force aux expressions faciales, aux émotions en gros plan.



   Bien qu’on pourrait remettre en question la chimie entre Arnaud (Vincent Paquette) et son amoureuse Aurélie (Aline Winant dont l’accent est habilement justifié sinon ça m’aurait sérieusement agacé), l’enjeu de ce couple paraît bien secondaire de toute façon, puisqu’on a l’impression que tous deux sont ensemble pour la forme, le paraître, beaucoup plus que parce qu’ils s’aiment vraiment.



   Ces milléniaux carriéristes – certains aux valeurs sociales, environnementales, politiques un peu plus développées mais plutôt élastiques, on le verra – sont occupés à se faire une place dans l’univers cut-throat du droit, des affaires et de la médecine spécialisée (dans le cas d’Aurélie) plutôt que de s’en faire pour des considérations émotionnelles et humaines. Ils sont des machines froides qui foncent droit devant comme des missiles. Et certains en paieront le prix.



   Malgré les propos glaciaux, Royal est une pièce à voir pour le propos si actuel et pour ses interprètes formidables, particulièrement Jérémie St-Cyr, Pierre-Alexis St-Georges, Parfaite Moussouanga et Xavier Bergeron qui se démarquent à mon avis, même si tout le monde forme une distribution fort homogène et cohérente. Réjouissons-nous qu’elle trouve son public et qu’elle termine en beauté une saison déjà puissante et énergisée par des «en rappel», «5 à 7» et plus (Whitehorse!) particulièrement incroyables.



Royal de Jean-Philippe Baril-Guérard d’après son roman du même titre

Conseil dramaturgique: Christian Fortin

Mise en scène: Virginie Brunelle et Jean-Simon Traversy

Assistance à la mise en scène et régie: Marie-Hélène Dufort

Interprétation: Xavier Bergeron (William), Romy Bouchard (Rosalie), Florence Deschênes (Camille Brunelle), Irdens Exantus (Mike), Parfaite Moussouanga (Claire Daniels), Vincent Paquette (Arnaud), Jérémie St-Cyr (Hubert), Pierre-Alexis St-Georges (Cousin Fred), Valérie Tellos (Chloé) et Aline Winant (Aurélie)

Scénographie: Cédric Lord

Costumes: Oleksandra Lykova

Éclairages: Julie Basse

Musique: Nicolas Basque

Vidéo: Julien Blais

Coiffure et maquillage: Justine Denoncourt-Bélanger

Une production Duceppe

Du 10 avril au 11 mai 2024 (durée: 1h30 sans entracte)

*** Supplémentaires: mardi 30 avril 19h30, samedi 4 mai 20h, mardi 7 mai 19h, mercredi 8 mai 19h30, samedi 11 mai 20h, dimanche 12 mai 15h, lundi 13 mai 19h30

Théâtre Jean-Duceppe, Place des Arts, Montréal

Photos: Danny Taillon

1 comentario


tamalou3
09 jul

Oh que ça devait être quelque chose ce spectacle. J'aurais adoré.

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