par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Après avoir exploré des univers aussi variés que Pantagruel, Corneille et le FLQ, l’auteur, comédien, metteur en scène et cofondateur de Création dans la Chambre Gabriel Charlebois-Plante s’intéresse maintenant au mythe de Sisyphe que l’artiste multidisciplinaire Victor Pilon avait aussi exploré avec une installation-performance magistrale de 30 jours au Parc Olympique à l’automne 2021.
Toujours avec son approche déjantée, son style bien à lui, son côté baroque et absurde – et avec le soutien d’une équipe tissée serrée (les fidèles Odile Gamache à la scénographie, Julie Basse à l’éclairage – cette fois minimaliste avec un follow utilisé brillamment, Félix-Antoine Boutin à la dramaturgie, Christophe Lamarche-Ledoux à la musique) et des comédiens-cocréateurs visiblement hyper complices, Gabriel Plante (qui a maintenant rajouté Charlebois à son nom… ou l’a repris?) arrive avec une proposition audacieuse, fascinante qui, un peu à l’instar d’un «accident de char», nous captive presque malgré nous. Parce que le propos est confrontant, troublant, surtout après une pandémie qui a clairement inspiré le créateur.
«Le metteur en scène propose une expiation des châtiments que nous nous proclamons nous-même contre notre gré. Une tentative de libération commune de tout ce qui alourdi le quotidien et empêche l’amour envers soi-même et envers les autres,» peut-on lire sur le site de La Chapelle. Pour y arriver, Plante propose un plancher de roches – entre quatre et cinq TONNES de roches! – sur lequel ses quatre interprètes virtuoses se mouvront dans une série de monologues intérieurs drôles, absurdes, humains, pathétiques par moments (mais peut-être juste parce qu’on s’y reconnaît tristement), performances physiquement exigeantes et presque aussi haletantes pour le spectateur que pour l’interprète.
Le jeu d’Étienne Lou (qu’on vient de voir avec beaucoup de bonheur dans un spectacle de masques formidable, La Grande Mascarade, aussi à La Chapelle), d’Élisabeth Smith (qui termine à peine La Ménagerie de verre au Théâtre Denise-Pelletier), d’Amélie Dallaire (qui en est à sa troisième collaboration avec Création dans la Chambre et qui m’avait scié les jambes dans le quasi-solo Une Fille en or de Sébastien David) et de Papy Mbwiti (que j’ai découvert avec plaisir dans Corps titan [titre de survie] d’Audrey Talbot) est d’une efficacité redoutable. Dans un chaos brillamment orchestré, les quatre comédiens érigent une colline de châtiments, de petites culpabilités, de grosses angoisses jusqu’au gâteau sans cerise qu’ils partagent dans une scène finale hallucinante.
Avec Cette colline n’est jamais silencieuse, on a l’impression de flirter avec Beckett, Ionesco, Jarry… dans un texte ubuesque par moments, mais encore plus délicieux que ce sheet cake au centre de la table. On a beau pas vouloir manger nos émotions, parfois…
Cette colline n’est jamais silencieuse de Gabriel Charlebois-Plante Mise en scène: Gabriel Charlebois-Plante Dramaturgie: Félix-Antoine Boutin Interprètes: Étienne Lou, Élisabeth Smith, Amélie Dallaire et Papy Mbwiti Éclairage: Julie Basse Scénographie: Odile Gamache Musique: Christophe Lamarche-Ledoux Patron et fabrication des costumes: Luce Jobin Direction de production: Isabelle Paquette Direction technique: Guillaume Lafontaine Moisan Direction générale de Création dans la Chambre: Émilie Martel Communication: Alice Blanchet Gavouyère et Charlotte Richer Production: Création dans la Chambre Les 22, 23, 25, 26, 29 et 30 avril 2024 à 19h30 et 27 mars 2024 à 15h (durée: 1 heure sans entracte) La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal Réservations: 514-843-7738 – www.lachapelle.org Photos: Maxime Paré Fortin
Comments