par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Après le spectacle coup de cœur de milliers de spectateurs du TNM, La Nuit des rois de Shakespeare au TNM pendant la saison 2022-2023 après des péripéties covidiennes, il aurait été étonnant que le tandem Rébecca Déraspe et Frédéric Bélanger n’unisse pas à nouveau ses forces. De plus, au fil des années, le Théâtre Advienne que pourra a fait des adaptations de grandes œuvres littéraires comme Tom Sawyer, Le Tour du Monde en 80 jours, Anne la maison aux pignons verts, Le Magicien d’Oz, D’Artagnan et les trois mousquetaires… pour le jeune public (élargi!) alors s’attaquer à l’œuvre de Jane Austen avec le Théâtre Denise-Pelletier, déjà tellement sensible à transposer les grands romans à la scène pour un public d’adolescents et leurs adultes, était tout naturel.

Le résultat est une initiation joyeuse et lumineuse à Orgueil et Préjugés, une des œuvres les plus marquantes de Jane Austen. On reconnaît l’écriture savoureuse et moderne de Rébecca Déraspe, ses dialogues parsemés de petites trouvailles, de pépites d’or recherchées mais accessibles. Comme dans tous ses spectacles, le metteur en scène Frédéric Bélanger ajoute une multitude de moments magiques, de la musique (la collaboration avec Gufstafson, le duo qui avait signé la musique de La Nuit des rois aussi), de la danse (les chorégraphies du comédien Yann Aspirot sont énergisantes), ce qui fait qu’Orgueil et Préjugés, située à la fin du XVIIIe siècle dans la campagne aristocratique de l’Angleterre, rejoint l’universel avec ses thèmes de l’amour et des classes sociales.

Stéphanie Arav, qu’on a pu voir briller dans La Géante du Théâtre de l’Oeil Ouvert, est une Elizabeth Bennet solide et nuancée, inspirante, pour faire face au jeune aristocrate pas très sociable Darcy incarné par Thomas Derasp-Verge qui réussit, après le Sébastien de La Nuit des rois, le Léopold de Brillante et le Jim de La Ménagerie de verre, à prouver une fois de plus qu’il est un des grands parmi nos jeunes acteurs. Cette cinquième collaboration avec Frédéric Bélanger est clairement un signe aussi.

Autour du jeune couple, toute la distribution est solide mais on ne peut pas passer sous silence le retour sur scène de Claude Poissant après 11 ans (et Nicolas Gendron, conseiller artistique du Théâtre Denise-Pelletier me faisait remarquer que le directeur artistique n’avait jamais encore joué sur la scène du théâtre qu’il dirige depuis plus d’une décennie), lui qui écrit, met en scène mais avait (presque) quitté le jeu non-officiellement. Ce rôle de papa est parfait pour lui et sa complicité avec la sublime Sandrine Bisson (tellement drôle mais nuancée et comme un poisson dans l’eau dans le rôle de cette madame Bennet) qu’il avait dirigée dans Bonjour, là, Bonjour de Michel Tremblay sur cette même scène, est formidable. On se régale avec ces deux-là ensemble!

Tout de suite après avoir incarné la Dernière Femme d’Henri VIII au Rideau Vert, Marie-Pier Labrecque, qui avait aussi été magnifique dans la Nora de La Maison de poupée qu’avait adaptée Rébecca Déraspe à la Salle Fred-Barry et qui était aussi de la famille de La Nuit des rois, est sournoise à souhait en «belle-sœur» Caroline Bingley tout autant qu’en puissante, acariâtre et – disons-le – savoureusement caricaturale vieille tante.

La relation d’Elizabeth Bennet avec ses sœurs (incarnées par les attachantes et bien choisies Caroline Bélanger et Flavie Bourgeois) et avec sa voisine (incarnée par l'excellente Lamia Benhacine) est réussie grâce à l’écriture fine de Rébecca Déraspe et la chimie entre les interprètes. Félix Lahaye, Maxime Isabelle et Philippe Thibault-Denis complètement parfaitement cette distribution formidable.
La scénographie de Francis Farley Lemieux, les costumes de Jonathan Beaudoin et Sarah Balleux, les éclairages de Leticia Hamaoui, tout est magnifique.
Comme c’est souvent le cas dans les productions dirigées par Frédéric Bélanger, la vision est claire, l’ensemble est pensé, léché et le tout vaut le déplacement, devient presque automatiquement un incontournable de la saison. Il faut dire que ça lui en fait deux cette saison avec ses savoureuses Strawberries in January au Centaur il y a quelques semaines. À voir!
Orgueil et Préjugés de Rébecca Déraspe d’après l’œuvre de Jane Austen Mise en scène: Frédéric Bélanger Assistance à la mise en scène et régie: Marie-Hélène Dufort Avec Stéphanie Arav, Caroline Bélanger, Lamia Benhacine, Thomas Derasp-Verge, Flavie Bourgeois, Félix Lahaye, Maxime Isabelle, Marie-Pier Labrecque, Philippe Thibault-Denis, Sandrine Brisson et Claude Poissant Scénographie: Francis Farley-Lemieux Assistante à la scénographie: Josée Bergeron-Proulx Musique: Gustafson Costumes, maquillages et coiffures: Jonathan Beaudoin Assistante aux costumes: Sarah Balleux Lumières: Leticia Hamaoui Chorégraphies: Yann Aspirot Coiffures: Sarah Tremblay Maquillages: Juliette Beaudoin Coaching vocal: Luc Chandonnet Stagiaire: Heldy Zack Soupraya Régie: Ariane Lamarre Une coproduction du Théâtre Advienne que pourra et du Théâtre Denise-Pelletier Du 18 mars au 11 avril 2025 (1h50 sans entracte) *** Supplémentaire: Samedi 12 avril 2025 à 16h Théâtre Denise-Pelletier, 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal Réservations: 514-253-8974 Information: www.denise-pelletier.qc.ca Photos: Victor Diaz Lamich
Comments