par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture) Avec Mythomania, l’artiste multidisciplinaire Nicolas Berzi voulait explorer le mythe de l’Amour comme on le conçoit en Occident en 2017 tout en exploitant les nombreux médias qui s’offrent aux amoureux – tout autant qu’aux artistes – pour s’exposer, se vendre, se rendre disponible avec tout ce que ça comporte d’écueils, d’embuches, de dangers, de pièges. Malheureusement, ici, la forme aura pris le dessus sur le fond et il faudra au public un effort herculéen pour ne pas soupirer d’exaspération tout au long de la représentation.
Malgré toutes ses bonnes intentions, Nicolas Berzi ne réussit pas à produire un texte cohérent, se contentant d’enfiler une série d’informations scientifiques – physiques, chimiques, biologiques, médicales dans certains cas – qui, sans doute, ont nourri sa réflexion au fil du processus de création, mais qui n’apportent rien au spectacle parce que rabâchées hors contexte et mal intégrées à l’histoire.
Parce qu’une histoire, il y en a une, dans Mythomania. L’histoire d’Alex (Livia Sossoli) et Alex, un jeune homme qu’elle rencontre et qui, dans la «mythomanie» de la première, devient l’amour de sa vie. Mais l’histoire amoureuse est si mal construite, si mal racontée, empruntant parfois des mots qui semblent avoir été sélectionnés au hasard dans une liste de synonymes proposée par Word et qui font froncer des sourcils, nous tirant brusquement du spectacle comme une gifle ou un choc électrique comme si on avait été dans la lune !
La projection vidéo de plusieurs lignes de ce texte boiteux et tristement faible (où sont les vrais dramaturges ou les conseillers dramaturgiques quand on a réellement besoin d’eux?) nous montre encore plus à quel point c’est du n’importe quoi. Exemple? L’auteur utilise le mot ‘bafoua’ lorsqu’il veut dire ‘bafouilla’. La comédienne prononce le mauvais mot et le mauvais mot est projeté. Bravo pour la cohérence, mais… vraiment? Personne en cours de processus n’a remarqué cette erreur étrange? L’utilisation lourde et inutile du passé simple dans plus de 50% du texte – et d’autres temps de verbes pas toujours bien choisis tout au long du spectacle – n’aide en rien. Berzi souhaitait peut-être faire plus poétique avec ce temps certes romantique mais dans un spectacle aussi résolument moderne et «techno», on fronce encore les sourcils.
Heureusement, la comédienne/pianiste Livia Sossoli s’abandonne complètement à la proposition du concepteur/metteur en scène, se donnant avec une générosité qui nous la rend attachante. Mais oh comme on aurait envie de la sauver de ce texte miné, mal écrit, mal construit et lui offrir du solide.
Ce qui sauve un peu ce spectacle, c’est que l’on passe la représentation à être épaté par tout ce qui nous est proposé au niveau scénographique, visuel et sonore. Dommage que l’on ait l’impression que le texte soit au service des «effets spéciaux» et non le contraire. Pas de doute que Jean-François Boisvenue, collaborateur régulier de Berzi, à la scénographie et à la conception vidéo, et Simon Chioini à la conception musicale et électroacoustique ont pris leur pied et ont pu s’éclater comme créateurs. C’est beau à voir.
Comme les spectacles précédents de Nicolas Berzi (notamment Peep Show et Héroïne(s)) semblent avoir été accueillis favorablement, je me mords les doigts de les avoir ratés et je serai au rendez-vous pour les prochains, mais vraiment, ici, l’artiste multidisciplinaire a un examen de conscience à faire en ce qui concerne son texte.
Mythomania Texte, mise en scène et conception générale: Nicolas Berzi Interprétation et piano : Livia Sassoli Scénographie et conception vidéo: Jean-François Boisvenue Composition musicale et conception électroacoustique: Simon Chioini Une production de Artiste inconnu Jusqu’au 25 novembre 2017 à 20h (75 minutes sans entracte) La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal Réservations : 514-843-7738 – www.lachapelle.org Photo : Justine Latour
Comments