par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Il y a de ces spectacles qui, sur papier, semblent très prometteurs et déçoivent mais quand la réputation des créateurs et le talent d’interprètes qu’on aime déjà se rencontrent sur un projet où le Jell-O pogne sur scène, y a rien de plus jouissif. C’est le cas avec Malaise dans la civilisation qui avait d’abord été présenté au printemps dans le cadre du Festival TransAmériques et qui a été repris il y a quelques jours – pour quelques jours seulement – à La Chapelle, Scènes Contemporaines. J’ai été parmi les privilégiés qui ont pu le voir.
Le théâtre documentaire et le théâtre d’auto-fiction – réel ou imaginaire – sont dans une belle vague de popularité et, depuis le début de la saison, on a droit à plusieurs délicieux spectacles où les mises en abîme ou les ruptures de quatrième mur se succèdent. Des spectacles comme À bout de bras à l’Agora de la danse, Une Journée de Gabrielle Chapdelaine au Quat’Sous et, à un autre niveau, Cyclorama au Centaur et au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Lequel est un Basquiat et Corps titan [titre de survie], toujours au CTDA, puisent dans la vérité, dans le vrai et explorent la nature humaine. Très justement, Malaise dans la civilisation, qui m’a aussi rappelé le délicieux Mauvais goût de Stéphane Crête qu’on a vu à Espace Libre il y a quelques années, se dit un vivarium philosophique.
Alix Dufresne, un des brillants cerveaux derrière l’adaptation théâtrale de La Déesse des mouches à feu, et l’auteur Étienne Lepage (Rouge gueule, l’adaptation de L’Idiot, les délicieux textes d’À bout de bras…), grands complices, ont réuni quatre interprètes virtuoses, Renaud Lacelle-Bourdon (Une journée, L’Idiot, Platonov, Les Enivrés), Alice Moreault, Florence Blain Mbaye (Cabaret noir) et Maxime Genois autour d’une fausse exploration de l’humain comme si on posait la question, «qu’arriverait-il si on lâchait lousse quatre touristes dans un théâtre?» La réponse? Un paquet de malaises, des choix de mauvais goût, des improvisations contrôlées avec des spectateurs pris par surprise, des expérimentations qui vont trop loin, un paquet de gaffes, et… pour le spectateur, une heure de délire entre rire incontrôlable et bouche bée à la ben voyons donc ! Ils sont-tu vraiment allés jusque-là?
Les interprètes sont hallucinants de vérité. Les surprises sont constantes et l’escalade aussi. À la fin de la représentation, les spectateurs ont l’impression d’avoir vécu quelque chose d’unique, de singulier, quelque chose qui ne se reproduira plus jamais de la même façon, comme ça devrait toujours être le cas avec le théâtre, les arts vivants en général. Pourtant, il doit y avoir très peu d’improvisation dans tout ça, mais c’est là une des grandes forces du spectacle.
Je souhaite au public montréalais que ce spectacle soit repris, au public de Québec et des régions qu’il parte en tournée. Qu’il soit vu par le plus grand nombre, qu’il puisse être savouré par tous les amateurs d’arts vivants qui aiment être surpris, étonnés, qui aiment rigoler, se reconnaître à petite ou à grande dose dans les spectacles qu'ils vivent.
Malaise dans la civilisation Texte: Étienne Lepage Mise en scène: Alix Dufresne et Étienne Lepage Interprétation et cocréation: Florence Blain Mbaye, Maxime Genois, Renaud Lacelle-Bourdon et Alice Moreault Musique: Robert Marcel Lepage Lumières: Leticia Jamaoui Scénographie et costumes: Odile Gamache Direction technique, assistance à la conception d’éclairage et régie: Ariane Roy Une production d’Étienne Lepage Production déléguée: DLD – Daniel Léveillé Danse Coproduction: Festival TransAmériques, L’ANCRE – Théâtre Royal (Charleroi), Maison de la Culture Marie-Uguay, Espace Le Vrai Monde ?, Salle de diffusion de Parc Extension, DLD – Daniel Léveillé Danse Du 10 au 13 novembre 2022 (durée: approx 1h sans entracte) La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal Réservations: 514-843-7738 – www.lachapelle.org Photos: Gunther Gamper
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