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Photo du rédacteurYanik Comeau

Théâtre: «Mademoiselle Agnès» de Rebekka Kricheldorf: Sylvie la Grande

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


   J’ai d’abord découvert le travail de Louis-Karl Tremblay en même temps qu’un auteur qui m’a complètement séduit, l’Argentin Claudio Tolcachir et sa pièce Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell la même saison que Louis-Karl Tremblay m’a fait découvrir Elfriede Jelinek avec son Ombre Eurydice Parle. Ensuite, j’ai apprécié son travail de metteur en scène au Théâtre Denise-Pelletier avec Quatre Filles de Louisa May Alcott adaptée par Julie-Anne Ranger-Beauregard, avant qu’il me fasse encore découvrir une autrice fascinante en la personne de l’Allemande Rebekka Kricheldorf et sa non moins fascinante relecture ultra-contemporaine du Misanthrope de Molière, Mademoiselle Agnès, que j’avais ratée au Théâtre Prospero mais qui est joyeusement reprise ces jours-ci au Théâtre du Rideau Vert grâce à la nonagénaire Denise Filiatrault qui n’en manque jamais une.



   Dans Mademoiselle Agnès, Rebekka Kricheldorf décape Alceste en créant cette Agnès (l’autrice a-t-elle voulu faire un clin d’œil à celle de L’École des femmes du même Molière? Va savoir!), autrice d’un seul livre qui a connu un succès si grand qu’elle a (peut-être) juste eu trop peur d’en écrire un deuxième par crainte de ne pas connaître un triomphe équivalent ou supérieur. Elle se tourne vers la critique – culturelle, sociale, politique, générale! – et râpe tout ce qui bouge de sa langue sablée. Elle est im-pi-to-yable! Tout et tout le monde y passe. Son amant (délicieuse découverte pour moi que ce formidable Luc Chandonnet), son fils (le talentueux comédien-chanteur Félix Lahaye qui m’avait soufflé dans Hair mais brille encore plus ici), sa meilleure amie (excellente Stéphanie Cardi), les jeunes artistes milléniales qui rôdent autour de son amant (Tracy Marcelin que j’avais découverte dans Centre d’achats et Ariane Trépanier, duo formidable)… tout le monde, vous dis-je!



   À l’instar des Coleman-Millaire-Fortin-Campbell défendus par des comédiennes phénoménales comme Muriel Dutil et Louise Cardinal, Mademoiselle Agnès réunit sur scène des méga-talents comme Eric Bernier et Nathalie Claude qui s’éclatent autour d’une Sylvie Drapeau au sommet de son art. On connaît Sylvie Drapeau comme une grande tragédienne mais il ne faut pas oublier qu’elle a aussi été la toute légère Locandiera et l’hilarante madame Martine de La Cantatrice chauve. Elle mord de chaque mot, chaque phrase, dans cette brillante adaptation de Louis-Karl Tremblay qui – on ne peut s’empêcher de le penser – s’est permis quelques coups de gueule supplémentaires, bien québécois et bien nord-américains. Un délice, vous dis-je!



   Louis-Karl Tremblay dirige ses acteurs avec ce qui semble être une sorte de magie, permettant à chacun, chacune d’aller toujours au bout de sa proposition. On est à la fois dans la critique sociale, dans l’absurdité poussée vers le jouissif, dans un monde qui ne peut juste plus s’endurer et qui doit sérieusement se remettre en question, se confronter à sa propre auto-dérision.



  La saison 2023-2024 du Rideau Vert nous aura vraiment fait vivre un florilège d’émotions et on a l’impression que si Denise Filiatrault a voulu se faire plaisir comme spectatrice, elle a clairement encore et toujours le doigt sur le pouls d’un public multi-générations qui continue de la suivre et de lui faire confiance. Mademoiselle Agnès est un coup de maître qu’il faut voir en cette période de political correctness à outrance.





Mademoiselle Agnès de Rebekka Kricheldorf Traduction: Leyla-Claire Rabih et Frank Wigand Adaptation et mise en scène: Louis-Karl Tremblay Assistance à la mise en scène: Andrée-Anne Garneau Avec Sylvie Drapeau, Luc Chandonnet, Eric Bernier, Nathalie Claude, Félix Lahaye, Stéphanie Cardi, Tracy Marcelin et Ariane Trépanier Décors: Louis-Karl Tremblay Éclairages: Robin Kittel-Ouimet Costumes: Karine Galarneau Conception sonore: Louis-Karl Tremblay et Antoine Bédard Coiffures et maquillages: Justine Denoncourt-Bélanger Une production du Théâtre du Théâtre Point d’orgue Du 1er mai au 1er juin 2024 (1h50 avec entracte) Théâtre du Rideau Vert, 4664, rue Saint-Denis, Montréal Réservations: 514-844-1793 Info: https://www.rideauvert.qc.ca/piece/mademoiselle-agnes/ Photos: François Laplante Delagrave

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