par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Les adaptations d’œuvres littéraires – que ce soit pour la scène, le petit ou le grand écran – ne sont pas choses nouvelles. Chez nous, depuis Un Homme et son péché et Les Plouffe jusqu’à RU, La Femme qui fuit et Kukum, nous avons toujours fait appel au papier pour raconter des pans de notre histoire, de nos histoires, petites et grandes, pour occuper nos scènes et nos écrans. De façon posthume parce qu’il nous aura quittés en demandant l’aide médicale à mourir en 2022, Simon Roy arrive donc sur la scène de la Salle Fred-Barry avec son récit-roman Ma vie rouge Kubrick de 2014 adapté par l’auteur, metteur en scène, comédien, ex-directeur du Quat’Sous et actuel directeur de la compagnie Les Deux Mondes, Éric Jean.
L’écrivain et professeur de littérature vouait une sorte de culte ou avait assurément une passion pour l’œuvre du réalisateur Stanley Kubrick ou peut-être (et surtout) pour le personnage fascinant qu’était cet héritier de Hitchcock. Le film The Shining que Kubrick a tiré du roman de Stephen King, film que l’auteur du roman aura longtemps détesté pour ne pas dire renié, aura été une véritable obsession pour Simon Roy de sa première écoute enfant jusqu’à son expectoration de Ma vie rouge Kubrick, Prix des libraires 2015, que Chantal Guy de La Presse avait qualifié de «lecture hypnotique, à la fois haletante et terrible».
Bien que les aspects haletants ou terribles du livre de Simon Roy soient quelque peu évacués de l’adaptation pour la scène d’Éric Jean, souvent trop narrative et littéraire, pas assez théâtralisée dans la première partie, sa mise en scène, bonifiée par les éclairages chauds et intrigants du maître Cédric Delorme-Bouchard, les projections vidéo de Julien Blais (parsemées d’extraits du film de Kubrick) et le mouvement des acteurs proposé par Danielle Lecourtois, est sobre et au service du texte et des interprètes qui portent avec respect la poésie moderne et directe de Roy.
Encore une fois, Mickaël Gouin montre le spectre de son talent, lui qui peut autant briller dans la comédie légère que dans le drame le plus noir et tout ce qui vacille entre les deux. La découverte de ce spectacle est le subtil et gracieux Marc-Antoine Sinibaldi qui n’en est pas à ses premières armes mais que je voyais pour la première fois. Il soutient si bien Mickaël Gouin en jouant plusieurs personnages, oscillant entre force et sensualité, douceur et terreur, autorité et vulnérabilité. Par moments, seulement dans son regard, grâce à l’intimité de cette Salle Fred-Barry que j’adore, on saisit toute la complicité qui l'unit à Mickaël Gouin.
Pour la poésie de Simon Roy, les parallèles troublants qu’il dessine entre l’œuvre de Kubrick et sa généalogie personnelle, pour les performances du duo d’acteurs et pour la théâtralité amenée par les concepteurs, Ma vie rouge Kubrick est une heure de théâtre riche.
Ma vie rouge Kubrick de Simon Roy Adaptation et mise en scène: Éric Jean Assistance à la mise en scène, direction de production et régie: Thomas Lapointe Interprétation: Mickaël Gouin et Marc-Antoine Sinibaldi Lumière: Cédric Delorme-Bouchard Décor et accessoires: Éric Jean et Thomas Lapointe Conception sonore: Arthur Champagne Vidéo: Julien Blais Collaboration au mouvement: Danielle Lecourtois Une production Les 2 Mondes Du 29 octobre au 16 novembre 2024 (1h10 sans entracte) Salle Fred-Barry (Théâtre Denise-Pelletier), 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal Réservations : 514-253-8974 Photos: Yanick MacDonald
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