par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Avec sa première production, le Théâtre de la Foulée plonge dans le controversé roman Lolita de Vladimir Nabokov mais surtout dans l’histoire bien réelle de l’adolescente américaine réduite au fait divers dont l’écrivain russe naturalisé américain a toujours refusé d’avouer s’être inspiré. Avouant avoir lu le roman trop jeune mais avoir été passionnée et bouleversée par le roman tout autant que par l’autobiographie de la jeune femme qui a raconté son histoire des années plus tard, l’autrice et comédienne Paméla Dumont a voulu s’éloigner du fait divers et surtout du tout noir ou tout blanc.
Le résultat est Lolita n’existe pas, l’histoire d’une adolescente futée qui fait un vol dans un dépanneur et qui, en en ressortant, fait la rencontre d’un policier – en est-il vraiment un? – qui profite de sa naïveté pour l’amener dans un «road trip» de quelque part au Québec au Atlantic City de Trump pré-présidence (la ligne du temps est volontairement floue parce que, clairement, l’adolescente a un mépris pour le 45e Président des États-Unis qu’elle n’aurait vraisemblablement pas connu quand il était un «simple homme d’affaires» malgré The Apprentice!). Qu’à cela ne tienne, on suivra avec attention ce «road trip» qui semble commencer de façon si innocente mais qui devient de plus en plus malsain et sombre.
Le texte de Paméla Dumont est vivant et saupoudré de répliques savoureuses. On s’attache aux personnages et l’autrice navigue habilement, évitant – comme je le disais plus tôt – le tout noir ou tout blanc qui aurait fait décrocher le spectateur dès les premières minutes. La mise en scène de Valery Drapeau est tout aussi vivante et habile, tout en mouvement, profitant de chaque centimètre de la scénographie versatile de Julie Charette qui fait néanmoins référence au boardwalk de la capitale du jeu en déclin, au cœur du New Jersey. La conception sonore de Francis Rossignol et Guillaume Létourneau contribue aussi généreusement à plonger le spectateur dans les différents tableaux.
Bien que la comédienne-autrice n’ait pas écrit le personnage pour le jouer elle-même au départ, le choix a fini par s’imposer naturellement. Celle qui a été la Anne de la Maison aux pignons verts du Théâtre Advienne que pourra et qu’on a pu applaudir dans Pétrole chez Duceppe la saison dernière est tout aussi à l’aise dans son incarnation de l’adolescente que dans la jeune femme dix ans après son supplice. Sylvio Arriola, en grande partie grâce au texte habile, réussit à éviter les écueils du «méchant» tout en devenant de plus en plus troublant au fur et à mesure que la pièce avance. Alexandre Ricard arrive presque en toute fin mais incarne deux personnages distincts avec une grande efficacité.
Après Une Fille en or de Sébastien David, Lolita n’existe pas propose une histoire beaucoup plus traditionnelle, linéaire mais qui suscite autant de réflexion et de trouble.
Lolita n’existe pas de Paméla Dumont
Mise en scène: Valéry Drapeau
Conseil dramaturgique: Mathilde Aubertin H
Co-dramaturge: Emmanuelle Jetté
Interprétation: Paméla Dumont, Sylvio Arriola et Alexandre Ricard
Lumières: Nicola Dubois
Scénographie: Julie Charette
Costumes et accessoires: Léonie Blanchet
Conception sonore: Francis Rossignol et Guillaume Létourneau
Direction de production: Mathilde Boudreau
Direction technique et régie: Josée Fontaine Rubi
Une production du Théâtre de La Foulée
Du 4 au 22 octobre 2022 (1h25 sans entracte)
Salle Fred-Barry (Théâtre Denise-Pelletier), 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal
Réservations : 514-253-8974
Photos: Patrice Tremblay
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