par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Parfois, quand des artistes se découvrent une affinité, une magie, ils multiplient les projets par la suite, ce qui peut se traduire par des productions tout aussi heureuses et magiques que par des spectacles d’une complaisance désolante. Avec Les Ânes Sœurs, Mathieu Quesnel et Yves Jacques se retrouvent sur scène dans une pièce écrite sur mesure par le premier avec la complicité du second et dans laquelle tout – mais alors tout – s’amalgame harmonieusement pour créer un petit bijou de feel-good théâtre digne du Odd Couple de Neil Simon avec de délicieux remugles d’Ionesco (Le Nouveau Locataire) et de Beckett mais complètement ancré dans le ici et le maintenant.
Présentée à guichets fermés à Espace Libre (comment ne pas espérer des supplémentaires éventuelles ou une reprise – pourquoi pas chez Duceppe dans le cadre de sa nouvelle initiative géniale «En rappel» ?), Les Ânes Sœurs met en valeur les talents multidisciplinaires (théâtre, musique, chant) de ses interprètes sans pour autant négliger le fond. Ici, on a un vrai de vrai texte, une vraie de vraie histoire bien structurée, inventive, drôle, touchante, bref intelligente, pas juste une excuse pour mettre deux gars sur une scène.
Se présentant au minuscule 1 ½ de Jean-Mathieu (un décor super efficace qui porte la signature marquée de Cédric Lord) pour acheter son divan, Jean-Yves, trente ans plus vieux, finit par devenir le coloc improbable en même temps qu’il devient propriétaire d’un divan qui n’aura pas besoin d’être déménagé. Au fil des jours, des semaines, des mois, les deux hommes on ne peut plus différents se découvriront de nombreuses affinités (musicales en particulier), se lieront d’amitié, se tomberont sur les nerfs l’un l’autre et – contre toute attente – finiront par réaliser un rêve ensemble. Prémisse toute simple qui ouvre la porte à une série de péripéties et une étude sociale subtile, fine et quand même critique qui fait plein de clins d’œil au milieu culturel, au politically correct et au système d’allocation des subventions sur lequel le Théâtre Électrique n’a pas pu compter complètement.
On s’entend pour dire qu’on a affaire à une équipe réduite ici, mais avec la musique de Navet Confit (toujours un gage de réussite) et les éclairages de Marie-Aube St-Amant Duplessis, Mathieu Quesnel réussit son pari de monter un spectacle pour se faire plaisir et faire plaisir à son ami et complice sans tomber dans le n’importe quoi ou la complaisance.
Difficile de ne pas tomber sous le charme.
Les Ânes Sœurs de Mathieu Quesnel avec la collaboration d’Yves Jacques Texte et mise en scène: Mathieu Quesnel Interprétation: Yves Jacques et Mathieu Quesnel Décor: Cédric Lord Éclairages: Marie-Aube St-Amant Duplessis Musique originale: Navet Confit Direction technique: Catherine Sabourin Régie: Chloé Rivest
Production: Le Théâtre Électrique Du 20 février au 2 mars 2024 (1h35 sans entracte) COMPLET Espace Libre, 1945, rue Fullum, Montréal Réservations: 514-521-4191 Information: https://espacelibre.qc.ca/evenement/les-anes-soeurs/ Photos: Suzane O’Neill
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