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Théâtre: Le Prospero 2022-2023, c’est la diversité qui brille plus que jamais

Dernière mise à jour : 7 sept. 2022

par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)

Malgré les perturbations qui ont encore un peu ébranlé la saison chant du cygne de Carmen Jolin à la direction artistique du Prospero, 2021-2022 aura été belle et riche pour l’institution qu’on a longtemps appelée le Groupe La Veillée. Avec l’arrivée de Philippe Cyr, l’un des jeunes metteurs en scène marquants des dernières années (Le Brasier, Le Poids des fourmis, J’aime Hydro, Corps Titan (titre de survie)…) et Vincent de Repentigny à la tête de l’institution, on trépignait d’anticipation de découvrir le virage résolument post-covid et l’inévitable rajeunissement que le Prospero promettait déjà parce qu’on avait entendu à travers les branches qu’il serait un des théâtres qui, plus que jamais, ferait une sérieuse place à la relève et à toutes les diversités.


C’est dans une ambiance des plus festives, sous le regard discret des Carmen Jolin et Gabriel Arcand, que le nouveau duo s’est assis au bout d’une longue table qui faisait Dernière Cène mais se voulait pique-nique à l’image de joyeuses Dionysies pour présenter le délicieux menu de cette saison de 13 spectacles. Accueillant tour à tour à la table les artistes qui vont faire naître ces spectacles sous nos yeux tout au long de la saison, Philippe Cyr et Vincent de Repentigny ont montré à quel point leur complicité est déjà bien tangible.


La saison s’ouvre sur un déambulatoire qui n’est pas sans rappeler le Placido_Mo proposé par Ricard Soler Mallol en ouverture de saison 2021-2022 à Espace Libre. Mais avec Walking:Holding de l’Écossaise Rosana Cade, créé à Glasgow en 2011 et dont des moutures ont pris vie partout dans le monde depuis, c’est une marche main dans la main, un spectateur à la fois que propose l’artiste. Une «marche à relais» qui n’aura rien de banal, surtout après deux ans de pandémie qui nous ont privés de contacts humains. Le but de l’exercice est de «se mettre dans la peau de l’autre, de prendre conscience du regard des passant·es et de défier les préjugés.» Après le Prospero, le Périscope à Québec et le Trillium à Ottawa accueilleront cette proposition artistique originale.


À partir du 27 septembre, c’est une fascinante nouvelle création du Théâtre Point d’Orgue qui foulera les planches de la Salle Principale. Mademoiselle Agnès est une réécriture contemporaine du Misanthrope de Molière par l’autrice allemande Rebekka Kricheldorf dans laquelle Alceste devient Agnès, une écrivaine à succès qui devient une critique littéraire sans pitié. Après avoir dirigé Markita Boies dans Yvonne, princesse de Bourgogne et Macha Grenon dans Ombre Eurydice parle sur cette même scène (sans parler de Muriel Dutil et Louise Cardinal dans l’inoubliable Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell à Fred-Barry), l’audacieux Louis-Karl Tremblay dirigera une autre grande, Sylvie Drapeau, entourée d’Eric Bernier, Stéphanie Cardi, Luc Chandonnet, Nathalie Claude, Félix Lahaye, Sally Sakho et Ariane Trépanier.


Suivra du 1er au 19 novembre la traduction par Fanny Britt de Déclarations de Jordan Tannahill, artiste canadien anglais de renommée internationale. Pour monter ce spectacle, Philippe Cyr a convaincu la chorégraphe et danseuse Mélanie Demers, elle qui travaille en périphérie du théâtre depuis des années dans sa démarche artistique avec sa compagnie MAYDAY, de signer sa première «vraie» mise en scène de théâtre. Après son formidable Cabaret Noir à l’Agora de la danse et son non moins fascinant Confession publique à La Chapelle, en plus d’avoir entendu le charismatique Vlad Alexis parler de ce spectacle, on a très hâte de le voir dirigé par Mélanie Demers et entouré de Macha Limonchik, Marc Boivin, Ève Pressault et Jacques Poulin-Denis. Une coproduction du Prospero et de MAYDAY.



Juste avant les fêtes, pour trois soirs seulement, du 8 au 10 décembre, ce serment fait à la relève prendra tout son sens quand Les Bénés, 30 actrices, créatrices et autrices émergentes prendront d’assault la scène du Prospero en un grand cabaret festif qu’elles baptisent Le Grand Lancement puisqu’il s’agira, parallèlement, du lancement d’un recueil de textes sur la professionnalisation des jeunes artistes, un sujet particulièrement chaud en cette sortie de pandémie.


En janvier, toujours sur la Scène Principale, du 24 janvier au 11 février pour être plus précis, on pourra renouer avec Création Dans la Chambre et l’écriture déjantée de Gabriel Plante que j’avais pu découvrir à Espace Libre avec Histoire populaire et sensationnelle. Cette fois, Félix-Antoine Boutin dirigera Amélie Dallaire et Gabriel-Antoine Roy dans Sur l’apparition des os dans le corps. «Dans cette fiction millénaire, une femme et un homme insensibles au temps et aux traumas cherchent par tous les moyens à ressentir. Fracture, électrification, crise de cœur: rien ne les blesse et c'est ce qui les ronge. Le spectacle s’inspire autant du stand-up comique et des numéros de magie victoriens que de la gestuelle de Marcel Marceau et du positionnement des mains dans la peinture classique.» Quand je vous disais «déjantée»… peut-être plus «disjonctée»?


Du 1er au 11 mars 2023, les Songes turbulents, compagnie de Florent Siaud qui a monté un mémorable Britannicus au TNM et un tout aussi savoureux (dans un tout autre registre!) Les Enivrés d’Ivan Viripaev sur la scène du Prospero, présentent Si vous voulez de la lumière, un spectacle colossal sur lequel une douzaine de dramaturges francophones des quatre continents planchent depuis 2017. S’inspirant librement du Faust de Goethe avec leur styles et leur visions particuliers, les auteurs «se répondent et s’influencent dans une intrigue épique». Sur scène, Jasmine Bouziani, Sophie Cadieux, Francis Ducharme, Dominique Quesnel, Yacine Sif El Islam et Madani Tall. La pièce est présentée en première mondiale au Théâtre Prospero avant d'entamer une tournée en Europe.


Comme avant-dernier spectacle de la Salle Principale, Philippe Cyr plongera à son tour dans l’univers de Viripaev en montant Insoutenables longues étreintes, dirigeant Christine Beaulieu (des retrouvailles après J’aime Hydro), Marc Beaupré, Joanie Guérin et Simon Lacroix dans les rôles de «quatre jeunes adultes [qui] se gavent de sexe, de drogue et de repas végétariens. En quête d’absolu, ces trentenaires entreront en conversation avec l’univers, un serpent et un dauphin.» On reconnaît bien la folie de l’auteur de Les Enivrés. Insoutenables longues étreintes sera montée pour la première fois au Québec.



Pour fermer la saison, la Salle Principale accueillera la reprise de Les Employés de Cédric Delorme-Bouchard créé à La Chapelle la saison dernière. OVNI théâtral formidable, ce spectacle propose une adaptation théâtrale du roman de la Danoise Olga Ravn, un texte dystopique dans lequel la compagnie Chambre Noire explore la science-fiction au théâtre. Quelque quinze interprètes prêtent leur voix aux témoignages du livre pendant que cinq interprètes bougent dans les faisceaux lasers pensés par le metteur en scène ingénieux.


Et à la Salle Intime…


Je me permettrai de résumer rapidement la saison de la Salle intime qui, ces dernières années, est devenu un de mes endroits favoris pour voir du théâtre à Montréal. Je me régale à l’idée d’y retourner pour voir…


Du 4 au 22 octobre 2022, le Théâtre indépendant présente Le Gardien des enfants, une performance théâtrale déroutante et envoûtante de Charles Voyer mise en scène par JJ Houle.


Du 8 au 26 novembre 2022, Noli de Virginie Daigle qui cosigne la mise en scène avec Joannie Vignola et joue dans la pièce entourée de Renaud Soublière, Lea St-Pierre et Eric Vega, une rafraîchissante plongée dans l’univers de la sexualité (saine!) de l’enfance.


Du 31 janvier au 18 février 2023, Philippe Cyr invite Mathieu Gosselin, le complice de Christine Beaulieu dans J’aime Hydro, à reprendre son solo Gros gars, une production de la Banquette arrière créée à La Licorne en 2021. Sophie Cadieux en signe la mise en scène.


Du 14 mars au 1er avril 2023, les Compagnons Baroques présentent Couper de l’auteur australien Duncan J. Graham dans une mise en scène de Marc-André Thibault, auteur, metteur en scène et comédien que j’ai apprécié tour à tour dans Rouge Speedo et Mazal Tov sur la même scène. Cette fois, il dirige Véronique Pascal qui interprète une femme écorchée et apeurée, agente de bord de métier, qui est poursuivie sans relâche par un homme. La pièce est une énigme théâtrale à mi-chemin entre le thriller noir et l’installation artistique, inspirée de l’univers toujours étrange de David Lynch. Marc-André a même dit que la Salle intime sera encore plus intime pour l’occasion et que les spectateurs se retrouveront dans une carlingue d’avion!


Puis, du 18 avril au 6 mai 2023, l’artiste Gaétan Paré revient à la mise en scène avec Poings de l’autrice française Pauline Peyrade (Prix Bernard-Marie Koltès du TNS 2019). La pièce relate une histoire d’amour toxique, de la rencontre à la rupture. La production d'Opera Omnia réunit sur scène Jade-Măriuka Robitaille et Zoé Tremblay-Bianco.


La Salle intime du Prospero répondra ainsi encore et toujours à son mandat de nous apporter des œuvres «intimes» et percutantes, touchantes et universelles.

Théâtre Prospero – 1371, rue Ontario Est, Montréal Renseignements : 514-526-6582 – theatreprospero.com

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