par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Réinventer Shakespeare quand tant d’autres l’ont fait avant nous, c’est périlleux. Monter un Shakespeare ou un Molière au TNM, deux des auteurs incontournables de la maison qui a eu 70 ans l’an dernier, c’est à la fois normal et risqué parce qu’il y a des précédents, on marche dans les pas de grands. Dans le cas de La Nuit des rois, ce sont des traductions de Jean-Louis Roux, de Normand Chaurette, d’Antonine Maillet. Des mises en scène de Jean-Louis Roux, de Guillermo de Andrea, d’André Brassard, d’Yves Desgagnés, de Jean-Philippe Joubert. Des scénographies et costumes d’Alfred Pellan, Paul Bussières, Richard Lacroix, François Barbeau, Richard Morin, Judy Jonker, Claudia Gendreau et Julie Morel.
Après s’être attaquée à Une Maison de poupée d’Ibsen, avoir adapté l’Antigone de Sophocle avec quatre autres mains, avoir modernisé Roméo et Juliette, la formidable (dans tous les sens) Rébecca Déraspe s’est jointe au tout aussi redoutable (dans le bon sens) metteur en scène et cofondateur du Théâtre Advienne que pourra Frédéric Bélanger (Anne… la maison aux pignons verts, Sherlock, Tom Sawyer, Les Aventures de Lagardère, Le Magicien d’Oz) pour recréer une Nuit des rois réinventée sans être irrespectueuse, rafraîchissante et fortifiante sans être aliénante. En somme, Rébecca Déraspe et Frédéric Bélanger se sont réapproprié Twelfth Night comme René Richard Cyr et Daniel Bélanger se sont réapproprié Les Belles-Sœurs. Pour en faire un nouveau chef d’œuvre !
Dans toutes les pièces de Shakespeare, il y a des scènes iconiques, des répliques incontournables. Avec une poésie limpide mais pas moins belle et fleurie, Rébecca Déraspe saisit autant la sensibilité que l’humour du Barde et le rend plus accessible que jamais à quiconque aurait pu trouver son langage inaccessible par le passé. Explorant tout aussi habilement la fluidité des genres comme Shakespeare le faisait déjà à l’époque où les femmes ne jouaient pas au théâtre, que les hommes plus fluets jouaient les Ophélie, Juliette, Olivia, Viola, comme elle l’avait déjà fait dans Je suis William pour les 10 à 14 ans avec le Théâtre Le Clou!, Rébecca Déraspe s’offre une liberté qui n’est pas juste dans l’air du temps, mais de tous les temps. Avec une simplicité toute naturelle.
Pour raconter l’histoire de Viola et Sébastien, les jumeaux avalés par la mer qui se croient morts l’un l’autre, Frédéric Bélanger a fait appel aux orfèvres de la vidéo Thomas Payette et Gaspard Philippe pour créer des projections subaquatiques d’une beauté à couper le souffle. Les costumes de sa grande complice Sarah Balleux sont tout aussi inspirants et inspirés virevoltants sur les corps agiles d’une distribution magistrale au cœur du décor de Francis Farley-Lemieux.
Modernisant aussi les aspects dansants et chantants de la comédie festive, Frédéric Bélanger exploite les talents de musicien de son Duc Orsino (Jean-Philippe Perras), de chanteur de son Feste (le sublime Benoît McGinnis), de chanteuse de sa Maria (la grandiose Kathleen Fortin) et les agilités physiques de ceux qui sont plus fous que le fou du roi, son Malvolio (le tout aussi hilarant que touchant Yves Jacques), son Sir Tobie (le toujours surprenant et délicieux Étienne Pilon), son Sir Andrew (François-Simon Poirier) et son Antonio (émouvant Alex Desmarais, une découverte!). Au cœur de tout ça, on a les non moins habiles Clara Prévost (Viola/Césario) et Thomas Derasp-Verge (Sébastien) qui font leur entrée au TNM par la grande porte et la toujours éclatante Marie-Pier Labrecque, la Nora d’Une Maison de poupée de l’adaptation de Rébecca Déraspe (tout est dans tout!) qui multiplie les grands rôles avec grâce depuis plusieurs années.
La Nuit des rois de Shakespeare, Déraspe et Bélanger est un délice qui aurait pu durer encore et encore et qui, on l’espère, entrera dans le cœur des spectateurs de toutes les générations, de tous les genres et non-genres qui ont ou pas encore découvert l’histoire d’amours intemporelle qui se renouvelle ici avec tout autant d’humour que d’élégance.
La Nuit des rois de William Shakespeare
Traduction et adaptation: Rébecca Déraspe et Frédéric Bélanger
Mise en scène: Frédéric Bélanger
Assistante à la mise en scène : Marie-Hélène Dufort
Avec Adrien Bletton, Guido Del Fabbro, Thomas Derasp-Verge, Alex Desmarais, Kathleen Fortin, Yves Jacques, Marie-Pier Labrecque, Benoît McGinnis, Jean-Philippe Perras, Étienne Pilon, François-Simon Poirier, Clara Prévost
Décor: Francis Farley-Lemieux
Costumes: Sarah Balleux
Éclairages: Nicolas Descoteaux
Conception vidéo: Thomas Payette (Mirari) avec l’assistance de Gaspard Philippe
Musique: Groupe Gustafson (Adrien Bletton, Jean-Philippe Perras)
Maquillages: Amélie Bruneau-Longpré
Une production du Théâtre du Nouveau Monde avec la collaboration du Théâtre Advienne que pourra
20 septembre au 15 octobre 2022 (Durée: 2h05 sans entracte)
*** Supplémentaires : Jeudi 20 octobre 20h, vendredi 21 octobre 20h, samedi 22 octobre 15h et 20h, dimanche 23 octobre 14h
Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal
Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://ticket.tnm.qc.ca
Photos : Yves Renaud
Tournée:
3 novembre 20h: Théâtre du Vieux-Terrebonne
5 novembre 20h: Théâtre Banque Nationale (Saguenay)
8 novembre 19h: Salle J.Antonio-Thompson (Trois-Rivières)
10 novembre 20h: Salle Desjardins-Telus (Rimouski)
15 novembre 20h: Centre Culturel Université de Sherbrooke - Salle Maurice-O’Bready
18 novembre 19h30: Salle André-Mathieu (Laval)
22 novembre 19h30, Maison des Arts Desjardins (Drummondville)
25 et 26 novembre 20h: Maison de la Culture – Salle Odyssée (Gatineau)
29 novembre 19h30: Palace de Granby
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