par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
À chaque nouveau spectacle du Théâtre du Futur depuis Clotaire Rapaille: L’Opéra Rock, je me réjouis. J’aime son humour absurde, un peu cynique mais quand même lumineux (le cynisme négatif genre, ceux qui rient aux «posts» annonçant le nombre de décès quotidiens liés à la pandémie? Yark!), ses univers utopiques ou dystopiques qui distordent une réalité existante, éventuelle ou pouvant être envisagée, ça me parle et ça m’amuse. Ce n’est pas pour tout le monde; le soir de la deuxième première, la majorité des spectateurs hurlaient de rire, mais certaines bouches sont demeurées silencieuses derrière les masques. L’humour, c’est tellement subjectif.
Dans un futur pas si lointain, le prix des bananes monte et la civilisation telle qu’on la connaît s’écroule. «Plus d’électricité, plus d’argent, plus rien. C’est la Grosse Noirceur, la fin de la civilisation.» Dans une amusante mise en abîme à saveur de réalité virtuelle, Olivier Morin et Guillaume Tremblay brisent le quatrième mur et font du spectateur le personnage principal de cette histoire loufoque, le «catapultant» à L’Étape, cette fameuse halte routière à mi-chemin entre Québec et Saguenay. On plonge au cœur du Québec profond et ce que l’on découvre est un sérieux cancer du colonisé !
Poussant l’interaction avec le public plus loin que jamais, le Théâtre du Futur a toujours pour autant sa signature : références culturelles, chansons tordues, scénographie éclatée, Navet Confit signant une musique live en faisant partie intégrante de l’action. Mais avec La Grosse Noirceur, tout ça est gonflé à la niême puissance. Si on aime (comme moi), on en redemande. Si ça ne nous rejoint pas (comme l’ami qui m’accompagnait), on a hâte que ça finisse.
Qu’à cela ne tienne, les interprètes Olivier Morin et Guillaume Tremblay sont au sommet de leur forme. Le soir de la deuxième représentation, Myriam Fournier était remplacée à pied levé (question de santé publique) par une jeune graduée de l’école, Laurence Laprise, stagiaire sur le spectacle, qui a néanmoins réussi à jouer de longs pans de la pièce sans consulter la tablette électronique qu’elle avait en main, chantant, dansant avec tout l’aplomb et l’assurance d’une comédienne qui aurait répété depuis le début. Un tour de force vertigineux que ne se sont pas caché de souligner avec enthousiasme ses collègues et les spectateurs à la fin du spectacle… avec raison! Wow! «Engagez-la! Engagez-la!» criait Olivier Morin avec une réelle fierté (et sans doute une bonne dose de soulagement!) à la fin de la représentation.
Plus que jamais, Navet Confit interprète plusieurs personnages dans le spectacle. Bien qu’il ne soit pas «100 % comédien» (la projection vocale n’est clairement pas la même que celle de ses collègues), il tire bien son épingle du jeu et sa présence musicale rachète amplement les petites faiblesses de l’acteur.
Bref, La Grosse Noirceur est un bon cru du Théâtre du Futur. Malheureusement, au moment d’écrire ces lignes, quelques représentations étaient annulées pour des raisons de santé publique, mais souhaitons que le spectacle puisse reprendre rapidement parce que… «the show must go on».
La Grosse Noirceur
Texte : Olivier Morin et Guillaume Tremblay
Mise en scène, graphisme et vidéo: Olivier Morin
Avec Navet Confit, Myriam Fournier (remplacée par Laurence Laprise), Olivier Morin et Guillaume Tremblay
Musique: Navet Confit
Régie: Catherine Sabourin
Scénographie: Raymond-Marius Boucher et Bruno-Pierre Houle
Éclairages: Marie-Aube St-Amant-Duplessis
Direction technique: Alice Germain
Direction de production: Myriam Poirier Dumaine
Une production Théâtre du Futur
Du 12 au 30 avril 2022 (Durée: 1h35 sans entracte)
Mardi-mercredi 19h, jeudi-vendredi 20h, samedi 15h
Théâtre Aux Écuries, 7285, rue Chabot, Montréal
Billeterie: 514-328-7437 www.auxecuries.com
Photos: Josée Lecompte
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