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Théâtre: «La Femme qui fuit» d’après Anaïs Barbeau-Lavalette: Et celle qui narre…

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


   Quand Lorraine Pintal a dévoilé sa dernière saison à la barre du Théâtre du Nouveau Monde, j’ai sourcillé. Jamais, de mémoire, s’est-elle autant éloignée du mandat des Gascon, Roux et compagnie malgré le fait que dès le tournant du millénaire elle ait annoncé ses couleurs en redéfinissant le terme "classique" avec son «théâtre de tous les classiques, ceux d’hier et ceux de demain». En fait, de saison en saison, cette dernière sera celle du plus grand nombre de créations puisque quatre des cinq productions présentées dans la salle Gascon-Roux en sont.



   Le fait que cette saison 2024-2025 s’ouvre sur deux adaptations théâtrales de succès de librairie, La Femme qui fuit et Kukum, est d’autant plus étonnant. Cela étant dit, on pourrait accorder au récit d’Anaïs Barbeau-Lavalette le titre de classique du futur qui plonge dans d’importantes tranches d’histoires du Québec, la Révolution Tranquille, le Refus Global, dans la mouvance, jusqu’à un certain point, du Projet Riopelle de Robert Lepage. Cependant, l’histoire de Suzanne Meloche, cette femme qui fuit, cette poète et artiste peintre qui quitte sa famille, cette rebelle qui aura deux enfants et qui sera éventuellement la grand-mère d’Anaïs Barbeau-Lavalette, est paresseusement transposée au théâtre par Sarah Berthiaume, une autrice qui nous a pourtant habitués à des pièces passionnantes, haletantes, originales, ingénieuses, parfois intimes, parfois plus éclatées (Yukonstyle, Antioche, Nyotaimori…). Mais ici, tristement, elle évacue la théâtralité et se colle à une narration sous prétexte de demeurer fidèle au texte (très beau et poétique soit dit en passant).



   Fort heureusement, c’est la mise en scène d’Alexia Bürger, habituée aux chœurs et aux monologues (ses Hardings, sa Lysis avec Fanny Britt que Lorraine Pintal a mise en scène, Les Filles du Saint-Laurent de Rebecca Déraspe, …), qui y apporte une généreuse dose de théâtralité. Cependant, malgré toute la beauté des chœurs et la virtuosité des interprètes, le manque de dialogues et l’aspect trop hachuré des tableaux n’est pas complètement éclipsé par le magnifique travail de Bürger, les éclairages originaux et somptueux de Martin Labrecque, la chorégraphie des mouvements de Wynn Holmes (avec qui Bürger avait travaillé sur le très beau Mont Analogue à Espace GO), la musique originale de Philippe Brault et Frannie Holder et le décor ingénieux et vertigineux de Simon Guilbault.



    Les interprètes, pour leur part, adhèrent avec conviction et beauté à la proposition. Ils sont tous et toutes impressionnants, jouant la partition comme un orchestre virtuose. On se réjouit de revoir Catherine De Léan sur scène, de retrouver Louise Laprade après sa Judy de l’an dernier au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, la magnifique Anna Sanchez, les charismatiques Alex Bergeron (qui vient de finir une dernière Traversée du siècle que j’ai vue à Ottawa!), Jean-Moïse Martin, Jacques Poulin-Denis et David Albert-Toth (qui vient du monde de la danse et s’avère un choix brillant)… personnellement, j’aurais souhaité que la présence de la grande Lucinda Davis soit davantage exploitée, peut-être comme celle de Marie-France Lambert qui brille de tous ses feux. Parce que c’est un peu le problème de ce spectacle à grand déploiement qui, en bout de ligne, ne nous donne que de petites bouchées du talent de chacun des interprètes et permet que très peu de véritable interaction entre eux… à quelques exceptions près.



   Sommes toutes, le succès «guichet» de La Femme qui fuit, avec les supplémentaires qui se multiplient, aura été un bon coup pour marquer le début du chant du cygne de Lorraine Pintal, mais quand le texte n’est pas là, que reste-t-il? Un spectacle d’une grande beauté esthétique.


La Femme qui fuit d’après le récit/roman d’Anaïs Barbeau-Lavalette Adaptation pour le théâtre: Sarah Berthiaume Mise en scène: Alexia Bürger Assistance à la mise en scène et régie: Stéphanie Capistran-Lalonde Avec David Albert-Toth, Alex Bergeron, Lucinda Davis, Catherine De Léan, Eveline Gélinas, Justine Grégoire en alternance avec Agathe Ledoux, Marie-France Lambert, Louise Laprade, Jean-Moïse Martin, Parfaite Ségolène Moussouanga, Olivia Palacci, Daniel Parent, Maxime-Olivier Potvin, Jacques Poulin-Denis, Anna Sanchez, Anne Thériault, Zoé Tremblay-Bianco et Fabrice Yvanoff Sénat Décor: Simon Guilbault Costumes: Julie Charland Éclairages: Martin Labrecque Directrice du mouvement: Wynn Holmes Musique originale: Philippe Brault, Frannie Holder Accessoires: Julie Measroch Maquillages et coiffures: Justine Denoncourt Une production du Théâtre du Nouveau Monde Du 10 septembre au 11 octobre 2024 (Durée: 1h25 sans entracte) représentations du mardi au dimanche (2 représentations le samedi) ***Supplémentaires: samedi 12 octobre 15h et 20h, dimanche 13 octobre 14h Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://ticket.tnm.qc.ca Photos: Yves Renaud

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