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Photo du rédacteurYanik Comeau

Théâtre: «King Dave» d’Alexandre Goyette, coll. Anglesh Major: Patrick Emmanuel Abellard brillant!

par Yanik Comeau (ComunikMédia / ZoneCulture


Après avoir remporté un beau succès lors de sa création à la Salle intime du Prospero qui avait mené à des séries de représentations supplémentaires à La Licorne et à une belle tournée, le King Dave d’Alexandre Goyette a connu une adaptation cinématographique originale (un plan séquence réalisé par Daniel Grou) dans laquelle les personnages secondaires du solo s’incarnaient à l’écran. Une quinzaine d’années après sa création et cinq ans après le film, on revisitait ce texte percutant en lui donnant de multiples couleurs supplémentaires (sans jeu de mots) et on ne peut que s’en réjouir.



Parce que tristement, au Québec, on adore créer – on a même ce que j’appellerais le culte de la création – et ça aussi, il faut s’en réjouir, mais on reprend que très rarement des pièces qui ont été déjà montées. Au-delà de quelques auteurs (les évidents Tremblay et Bouchard en tête – et encore), on remonte rarement nos propres pièces. On a beaucoup plus le culte des classiques étrangers (Shakespeare, Molière, Williams,…) que le souci de se créer un véritable répertoire de classiques locaux.


En ce sens, la nouvelle mouture de King Dave, adaptée à la faveur d’un comédien noir qui a participé avec l’auteur de l’œuvre originale à une adaptation qui – sans du tout dénaturer l’œuvre originale – nous replongerait dans l’univers d’un Dave tout aussi montréalais mais qui parle aussi créole, est un intéressant revirement d’appropriation culturelle comme il devrait s’en faire davantage. Parce que le théâtre, c’est vivant, ça doit respirer, ça peut être de son temps sans que l’on crie toujours au scandale, ça peut-être à la fois pertinent et divertissant, passer des messages sans utiliser de maillet.



Après avoir été soufflé par les multiples talents d’Anglesh Major dans Cabaret noir de Mélanie Demers ce printemps (ne me partez pas sur son monologue d’Othello «rappé» avec Florence Blain Mbaye!), je ne doute pas que celui-ci a dû être excellent à la création de ce nouveau King Dave. Pas de doute non plus que j’aurais aimé le voir mais que j’aurais quand même voulu manquer Patrick Emmanuel Abellard qui a repris le flambeau pour la tournée et les dernières représentations chez Duceppe parce que, depuis sa sortie du programme de théâtre du Collège Dawson en 2015, toutes les performances que j’ai eu la chance de voir de ce jeune homme, en français (Héritage et Manuel de la vie sauvage chez Duceppe, La Chute de l’empire américain au cinéma…) comme en anglais (Gratitude au MainLine, Fight On! avec Infinithéâtre …), ne font que confirmer pour moi qu’il s’agit d’un prodige. Un Mozart de l’interprétation.



Après avoir ouvert la saison de Duceppe dans Manuel de la vie sauvage, un petit rôle qui faisait néanmoins transparaître l’ampleur de son charme et de son charisme, il investit la scène du légendaire Théâtre Port-Royal devenu Jean-Duceppe dans King Dave. Il donne d’abord à Dave une voix unique, singulière, puis il multiplie les personnages avec parfois juste une légère inflexion de la voix, une petite touche d’accent qui permet au spectateur de suivre soudainement un dialogue à un seul comédien. Dans son corps et dans sa voix, Patrick Emmanuel Abellard est tour à tour un David Joseph vulnérable, fort, cocky, drôle, toujours humain et vrai, une maman haïtienne qui s’adresse à son fils en créole, un camarade latino à l’accent espagnol crédible, une amoureuse potentielle féminine, sensuelle et sexy (sans être ridicule – faut le faire ! – et il faut voir la scène dans laquelle, assis sur le plancher, balançant ses jambes tantôt vers jardin, tantôt vers cour, le jeune «couple» échange avec une fluidité impressionnante) et combien d’autres personnages. Pendant 100 minutes, on savoure l’agilité physique tout autant que l’agilité verbale du comédien en pleine maîtrise de sa partition, de ses nombreux personnages.



Christian Fortin, qui aura été là dès la création de King Dave avec Alexandre Goyette, réussit à habilement diriger un troisième comédien dans l’incarnation de cette histoire.


Pendant la saison 2022-2023 du Centaur Theatre Company, Patrick Emmanuel Abellard reprendra King Dave en anglais (il l’a dévoilé sur les réseaux sociaux avant que ce soit public – oups!) et il ne faut pas s’en étonner. Il faut plutôt s'en réjouir et n’avoir aucun doute qu’il triomphera autant dans la langue de Spike Lee que dans la langue de Goyette/Major.



King Dave d’Alexandre Goyette Adaptation: Alexandre Goyette et Anglesh Major Mise en scène: Christian Fortin Assistant à la mise en scène: Frédéric Boudreault Avec Patrick Emmanuel Abellard Scénographie et costumes: Xavier Mary Éclairages: Renaud Pettigrew Musique et conception sonore: Jenny Salgado Conseil: Marilou Craft Accessoires: Normand Blais Une production Duceppe Création avec Anglesh Major du 1er au 23 mai 2021 Tournée printemps 2022 avec Patrick Emmanuel Abellard Représentations finales en français: 16 au 22 juin 2022 (durée: 1h40 sans entracte) Théâtre Jean-Duceppe, Place des Arts, Montréal. Info: https://duceppe.com/king-dave-2/ Photos : Danny Taillon

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