par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Je vous mets au défi de ne pas succomber à l’audacieuse proposition de Gabrielle Lessard ces jours-ci à la Salle Michelle-Rossignol du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Que vous soyez connaisseurs ou non en matière d’arts visuels, que vous connaissiez ou non l'artiste américaine larger than life Judy Chicago avant d’entrer dans la salle, vous serez happés par cet univers fascinant, brillamment mis en relief par la plume de Gabrielle Lessard qui réussit à la fois à rendre un brillant hommage à cette féministe sans compromis et à se servir de l’œuvre colossale de l’artiste visuelle comme toile de fond aux vies de six personnages en quête de bonheur. Après tout, ne sommes-nous pas tous des personnages en quête de bonheur sur cette planète?
Comme pour ses deux spectacles précédents (Nzinga et Aujourd’hui ce soir) - c'était aussi le cas pour l'inoubliable Ceux qui se sont évaporés - la Salle Michelle-Rossignol est aménagée avec une disposition des spectateurs sur trois côtés. La scénographie d’Étienne René-Contant tient d’abord et avant tout à une très grande table et un très grand lit sur roulettes qui se déplacent facilement et ont plusieurs fonctions. À ça, s’ajoutent les nombreuses trappes dans le plancher utilisées ingénieusement par la metteure en scène.
Judy nous plonge donc dans l’univers de six personnages aux vies plus ou moins insatisfaisantes… à des degrés variables. Après une introduction/présentation autobiographique de la grande artiste, incarnée avec le même aplomb et la même verve qu’a toujours eus la non moins plus grande que nature Louise Laprade, on rencontre une jeune femme qui n’en peut plus de sa petite vie rangée (excellente Noémie O’Farrell) avec son « petit mari » (j’ai découvert Jérémie Francoeur), mais qui entretient une relation avec un amant artiste coloré, paumé, légèrement off (un rôle sur mesure pour Victor Andres Trelles Turgeon), sa gynécologue Génération X désabusée, bourgeoise, sur le bord du burnout qui n’en peut juste plus des Milléniaux (toujours formidable Louise Cardinal que j’aime d’amour depuis Toute la vérité à la télé et Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell à la Salle Fred-Barry) et sa fille (Anna Romagny) et l’amie de la première que je qualifierais d’onirique, ésotérique (découverte Noé Lira). Ces histoires s’entremêlent, s’entrechoquent dans l’évolution des personnages, entrecoupées de bouts de conférence sur son art donnés par la grande Judy.
Seul bémol de ce spectacle? L’accent français et la diction insupportables d’Anna Romagny en opposition à la très Québécoise Louise Cardinal qui joue sa mère. Pourquoi - mais ô pourquoi - ce mauvais casting? J’ai combattu mon décrochage tout au long du spectacle et me suis raccroché à l’interprétation magistrale des deux Louise. Je suis 100% pour la diversité et l’intégration, mais ici… non. Ça ne marche juste pas.
Qu’à cela ne tienne, Judy mérite le détour et confirme la place de Gabrielle Lessard comme autrice et metteure en scène à suivre.
Judy de Gabrielle Lessard Mise en scène: Gabrielle Lessard
Interprétation: Louise Laprade, Louise Cardinal, Jérémie Francoeur, Noémie O’Farrell, Noé Lira, Anna Romagny, Victor Andres Trelles Turgeon
Assistance à la mise en scène et régie: Erika Maheu-Chapman
Dramaturgie: Chloé Gagné Dion
Scénographie: Étienne René-Contant
Lumière: Tiffanie Boffa, Cédric Delorme-Bouchard
Musique: Frannie Holder
Costumes: Elen Ewing
Accessoires: Marie-Jeanne Rizkallah
Maquillages et coiffures: Sylvie Rolland-Provost
Sonorisation et régie son en alternance: Gabrielle Couillard
Assistance à la musique et régie son en alternance: Marie-Frédérique Gravel
Assistance aux costumes: Fany McCrae
Direction de production: Marjorie Bélanger
Direction technique: Xavier Côté
Une création du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et du Théâtre P.A.F.
Du 29 janvier au 17 février 2024 (1h45 sans entracte)
Salle Michelle-Rossignol – Théâtre d’Aujourd’hui, 3900, rue Saint-Denis, Montréal
Billetterie: 514-282-3900 poste 1
Photos : Sylvie-Ann Paré
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