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Théâtre: «Jamais, Parfois, Toujours» de Kendall Feaver: Cochez!

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


   Avec Jamais, Parfois, Toujours, première pièce de la jeune autrice australienne Kendall Feaver, le Théâtre du Rideau Vert nous amène dans les dédales labyrinthiques de la maladie mentale, mais surtout de son traitement par médication. Titillée par une recherche sur les jeunes de la génération Y, la sienne, qui montrait que les « avancées médicales » en matière de traitement de la maladie mentale s’étaient peut-être un peu trop vite tournées vers des pilules miracles sans mesurer les conséquences à moyen ou à plus long termes, Feaver a créé un personnage de jeune femme à la créativité bouillante, une autrice en devenir, qu’on a médicamenté dès l’enfance et qui devient presque dangereusement prolifique lorsqu’elle abandonne les médicaments cold turkey.



   Parce que le sevrage sera brutal. Et que ce qu’Anna considère comme une reprise en main de sa vie alors qu’on a décidé pour elle toute petite ce qui était nécessaire ne se fait certes pas en criant ciseaux. Les dommages collatéraux de cet achat de paix qui aura duré des années sont considérables. Anna accusera tout le monde : sa mère, sa psy,... même son ami/amoureux passera dans le collimateur.



   La grande force du texte, très habilement traduit par celle qui est devenue notre plus grande, Maryse Warda, réside dans le fait qu’il ne se limite pas à décrire la problématique comme toute noire ou toute blanche. Il n’y a pas que des bons et des méchants dans tout ça. On ne diabolise ni la mère, ni la psychiatre, ni les médicaments. Mais on questionne ! Ô ce que l’on questionne ! Et d’une scène à l’autre, le spectateur est repoussé dans ses derniers retranchements, oscillant sans cesse dans sa réflexion entre le qui a raison et qui a tort. Parce que personne n’est de mauvaise foi.



   L’autrice avoue elle-même n’avoir mis en scène qu’une seule situation dans sa pièce parce qu’il aurait été impossible de toutes les représenter et qu’il ne s’agissait pas d’écrire un documentaire. Le résultat n’est pas moins percutant et la direction de Brigitte Poupart, sa première mise en scène au Rideau Vert, est tout aussi redoutable.



   La comédienne Lauren Hartley, qui avait attiré l’attention de la metteure en scène sur ce texte, incarne Anna avec une vérité déchirante, une fougue vertigineuse, une énergie qui semble sans limite. Autour d’elle, la grande Annick Bergeron est magistrale dans le rôle de Renée, la mère dépassée mais combattive, Marie-Laurence Moreau, qui sort à peine d’un grand rôle dans Chimerica chez Duceppe, est toute en réserve en Vivienne, la psychiatre, et Simon Landry-Désy est touchant et nuancé après son Lully dans Le Roi danse plus tôt cette saison.




   Cette production est un autre master class dans l’art de marier les conceptions des différents créateurs. Le décor de Nadine Jaafar, de grands pans de murs amovibles et multifonctions, est magnifiquement nappé par les éclairages de Cédric Delorme-Bouchard qui enveloppent aussi les costumes de Cédric Quenneville et les accessoires de Julie Measroch. La musique d’Alex McMahon, efficacement sombre, est aussi étonnamment lumineuse. À ma connaissance, c’était sa première musique au théâtre lui qui orchestre l’émission Y a du monde à’messe depuis plusieurs années.


   L’avant dernière production de la saison du Rideau Vert nous plonge donc au cœur d’une famille troublée où les remugles de problèmes de santé mentale hantent les murs. Comme dans Un Reel ben beau, ben triste. Mais pas que. Comme quoi… qu’on soit maintenant ou il y a cinquante ans, qu’on soit au Québec ou en Australie…



Jamais, Toujours, Parfois de Kendall Feaver Traduction de Maryse Warda Mise en scène: Brigitte Poupart Assistance à la mise en scène: Érika Maheu-Chapman Avec Lauren Hartley, Annick Bergeron, Simon Landry-Désy et Marie-Laurence Moreau Décors: Nadine Jaafar Éclairages: Cédric Delorme-Bouchard Costumes: Cédric Quenneville Musique: Alex McMahon Accessoires: Julie Measroch Coiffures: Josianne Lacoste Une production du Théâtre du Rideau Vert Du 13 mars au 13 avril 2024 (2h15 avec entracte) Théâtre du Rideau Vert, 4664, rue Saint-Denis, Montréal Réservations: 514-844-1793 Photos: François Laplante Delagrave

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