par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Depuis que le monde est monde ou – du moins – depuis que les Grecs ont créé une mythologie et des héros de guerre riches d’histoires et d’Histoire, les artistes – d’abord chez les principaux intéressés puis partout par la suite – se sont passionnés pour ces dieux et ces guerriers qui ont fait la Grèce Antique. Iphigénie, parfois déesse, parfois princesse, a été au cœur d’œuvres d’Homère, d'Eschyle et d’Euripide avant que Racine la mette en tête d’affiche d’une de ses plus grandes pièces. Quelque 430 ans plus tard, le dramaturge portugais Tiago Rodrigues, premier «étranger» à assumer la direction du prestigieux Festival d’Avignon, revisite l’histoire d’Iphigénie mais en mettant – disons le franchement – l’emphase davantage sur les personnages masculins: son père Agamemnon, son oncle Ménélas et son amoureux Achille.
Que Claude Poissant programme cette Iphigénie moderne et nordique soixante ans après la production inaugurale de la Nouvelle Compagnie Théâtrale, l’Iphigénie de Racine au Gesù à l’époque, est un clin d’œil généreux aux Gilles Pelletier, Françoise Graton, Georges Groulx et Denise Pelletier qui étaient de cette première pierre de l’édifice qu’allait devenir le Théâtre Denise-Pelletier. Aussi intéressant qu'au même moment, les finissants du programme d'interprétation du Collège Dawson proposaient une excellente production de l'Idomeneus de l'allemand Roland Schimmelpfennig qui traite aussi d'Agamemnon, d'Iphigénie, de Ménélas, d'Achille et de la Guerre de Troie.
C’est à l’autrice et metteure en scène Isabelle Leblanc, celle qui nous a donné les mémorables Oreste à travers le temps et Rita au désert avec l’Opsis et La Place Rouge de Clara Prévost à Fred-Barry, qu’on a confié le texte de l’auteur qui a créé un tollé incroyable avec sa Catarina ou la beauté de tuer des fascistes au FTA le printemps dernier.
Non seulement le texte – et par la force des choses, la traduction de Thomas Resendes – est-il poétique, drôle et brillamment réfléchissant des bêtises de l’humain devant l’absurdité du pouvoir mais la mise en scène d’Isabelle Leblanc, au cœur de la scénographie arctique d’Étienne René-Contant et les costumes à la fois nordiques et aériens de Leïla Dufour Forget, plonge le spectateur dans un vaste désert glacial servant curieusement bien les propos de Rodrigues et la mise en abîme qui fait des clins d’œil à l’envers du décor.
La distribution est tout simplement hallucinante. La toujours pittoresque Dominique Quesnel, doyenne de la production, comme elle l’était dans les Quatre Filles de Louisa May Alcott au printemps 2022 sur cette même scène, balance entre son rôle de narratrice et celui de vieillard avec l’aisance qu’on lui connaît. Catherine Allard étonne en Clytemnestre et Alice Moreault est une Iphigénie moderne et féroce, même si le rôle est assez effacé malgré le titre. Ce sont les puissants Étienne Pilon et Éric Robidoux qui ont la grosse part du gâteau ici, tout aussi drôles que troublants en frères qui… pleureront ou ne pleureront pas.
Le soir que j’y étais, j’ai été impressionné par l’attention du public scolaire pendu aux lèvres des comédiens pendant 80 minutes. Pari relevé.
Iphigénie de Tiago Rodrigues Traduction de Thomas Resendes Mise en scène: Isabelle Leblanc Assistance à la mise en scène et régie: Amélie-Claude Riopel Conseils à la dramaturgie: Frédéric Charbonneau et Myriam Stephanie Perraton-Lambert Avec Catherine Allard, Gabriel Favreau, Alice Moreault, Étienne Pilon, Dominique Quesnel, Éric Robidoux et Aimé Tuyishime Scénographie: Étienne René-Contant Costumes: Leïla Dufour Forget Assistance scénographie et accessoires: Olivia Pia-Audet Lumières: Anne-Sara Gendron Conception sonore: Eric Forget Mouvement: Marilyn Daoust Diction: Luc Chandonnet Maquillages et coiffures: Véronique St-Germain Assistante aux costumes: Juliette Dubé-Tyler Une production du Théâtre Denise-Pelletier Du 12 novembre au 7 décembre 2024 (1h20 sans entracte) Théâtre Denise-Pelletier, 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal Réservations: 514-253-8974 Information: www.denise-pelletier.qc.ca Photos: Victor Diaz Lamich
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