par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Avant de devenir le Festival Phénomena, il y avait le festival Voix d’Amériques. Les deux appellations ont toujours eu en commun, en vingt ans d’existence, de faire entendre des voix singulières, particulières, tordues, discordantes, des voix qui ne sont entendues qu’en de rares occasions, dans des événements comme les festivals Fringe et compagnie de ce monde.
En survolant la Mer Égée, un spectacle que développe l’homme de théâtre Thomas Duret avec sa complice Robine Kaseka depuis quelque quatre ans, trouve enfin refuge – pour un soir seulement pour le moment – au Studio du Théâtre Rialto de l’Avenue du Parc. Cette salle, qui pourrait être une salle de répétition, de réception, un studio de danse, accueillir des expositions, dans un des joyeux architecturaux de la métropole, a quelque chose de paradoxal, de chaleureux et de froid à la fois.
En survolant la Mer Égée, à l’instar du Sisyphe de Victor Pilon, emprunte à la mythologie grecque sans pour autant aliéner le public qui vit dans le présent, dans le maintenant. C’est dans la poésie du geste, la poésie des images que cette puissante performance solo puise dans les mythes de l’Antiquité. Le texte, une myriade de questions – quelques centaines, certaines drôles, certaines existentielles, certaines étonnantes, plusieurs coups de poing –, est livré par une comédienne qui tourne sur elle-même au centre d’un public qui ne peut s’empêcher de finir par faire un bilan d’où il en est au moment de la représentation, répondre à brûle pourpoint à plusieurs de ces questions, se retenir pour ne pas s’esclaffer quand une question un peu coquine arrive après une très sérieuse ou qu’une question complètement hors contexte bien ancrée dans une référence cuturelle (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Comment faire l’amour avec un Noir sans se fatiguer?) vient le déstabiliser.
Robine Kaseka livre ce questionnaire éclectique presque sans émotion pendant la majorité du spectacle, avec une force et une concentration remarquables, à un rythme qui ne laisse pas beaucoup de temps pour la réflexion. Si l’on veut se prêter au jeu de répondre dans sa tête, il faut être vigilant, alerte, comme quand on a plusieurs cartes devant nous et que le calleur enfile les boules de Bingo sans nous laisser trop de temps pour faire aller nos encreurs sur les feuilles. Tout du long, l’interprète se fait alourdir par des dizaines de pierres de différents formats qu’un complice vient attacher au harnais qui l’enlace. Une symbolique criante et efficace.
Espérons que ce spectacle intime mais oh combien universel trouvera d’autres lieux pour rencontrer son public. Personnellement, j’aimerais le revoir dans un endroit encore plus propice, où l’acoustique serait encore plus favorable à la confidence. Entre temps, des centaines de questions, plusieurs oui/non, d’autres à développement, quelques-unes rhétoriques, me trotteront dans la tête longtemps.
En survolant la Mer Égée de Thomas Duret avec la collaboration de Robine Kaseka Dramaturgie: Pierre-Olivier Gaumond et Pascal Brullemans Mise en scène: Thomas Duret Interprétation: Robine Kaseka Conception d’éclrairages: Cédric Delorme-Bouchard Conception scénographique/accessoires: Denis Lafond Conseils au mouvement: Stefania Skoryna Production Baobab (présenté dans le cadre du Festival Phénomena) Dimanche le 9 octobre 2022 à 17h (durée: 45 mins sans entracte) Studio du Théâtre Rialto, 5723, avenue du Parc, Montréal Informations: https://electriques.ca/filles/fr/evenement/44577
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