par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Après avoir beaucoup apprécié ma première incursion (avec Les Waitress sont tristes) dans l’univers de Joe Jack et John, cette formidable compagnie de théâtre qui explore l’art dramatique avec des comédien.ne.s neuro-divergents depuis vingt ans maintenant, j’avais très hâte de voir Cispersonnages en quête d’auteurice, clin d’œil de son temps à l’auteur italien Luigi Pirandello qui ne se serait probablement pas offensé qu’un Afro-descendant joue un Italien ! Ayant manqué le spectacle lors de sa création au Festival TransAmériques le printemps dernier, c’est avec bonheur que j’ai accouru à Espace Libre hier soir, la « résidence » de Joe Jack et John.
Joe Jack et John est une compagnie qui fait les choses lentement, dans le respect de ses interprètes, à leur rythme, sans complaisance, sans condescendance, avec amour. Certaines compagnies neuro-typiques pourraient prendre des leçons ! Cela étant dit, Catherine Bourgeois et son équipe montent leurs spectacles comme des créations collectives, en salle de répétition, avec une « écriture de plateau ». Voir ces artistes professionnels neuro-divergents jouer avec leurs collègues neuro-typiques est rafraîchissant, nourrissant, libérateur… et je parle juste de l’expérience de spectateur !
Avec Cispersonnages en quête d’auteurice, Catherine Bourgeois a eu la brillante idée de nous amener dans la salle de répétition, «fictionalisant» la création du nouveau spectacle d’une compagnie de théâtre formée d’artistes neuro-atypiques qui cherchent une idée pour leur prochaine pièce, voire un auteur, une autrice. Parallèlement au début, on suit la quête d’Arthur (Hubert Lemire), jeune comédien neurotypique, qui tente de gagner sa vie comme acteur dans le métier où – on ne vous apprendra rien – il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Pendant qu’on le suit dans sa quête de décrocher une pub de yogourt (très drôle et plein de clins d’œil bienveillants à la communauté artistique), Arthur finit par croiser la gang de professionnels (oui, oui, des vrais !) atypiques qui se retrouvent devant la page blanche.
À travers cette pièce, Catherine Bourgeois et sa bande traitent avec sensibilité et humour du wokisme (le bon et le mauvais), du respect, des limites sous toutes leurs formes, de ce que l’on ne peut plus dire et plus faire (ou et où peut-on ?), posent de bonnes questions tout en oscillant entre réalisme et fantasme, réalité et fiction. Peut-être solidifiés par le fait qu’ils ont déjà présenté le spectacle une première fois au printemps, les interprètes sont particulièrement forts, comme des poissons dans l’eau. Permettez-moi aussi de souligner le travail de la comédienne et autrice Audrey Talbot dont le Corps titan [titre de survie], théâtre documentaire racontant son périple rocambolesque et titanesque (de là une partie de la métaphore du titre) suite à son terrible accident vélo vs. camion. C’est un grand bonheur de la retrouver sur scène. Enfin, Edon Descollines et Guy-Philippe Côté s’avèrent de belles découvertes pour moi.
Joe Jack et John nous amènent toujours ailleurs, là où il faut aller. Là où l’on découvre un monde tout près… que l’on gagne à serrer contre son cœur. Il faut juste s’en donner la chance.
Cispersonnages en quête d’auteurice
Texte conçu par Catherine Bourgeois en collaboration avec Pénélope Bourque, Maryline Chery, Guy-Philippe Côté, Edon Descollines, Louis Girandello, Pénélope Goulet-Simard, Jean-François Hupé, Hubert Lemire Michael Nimbley, Audrey Talbot et Anne Tremblay
Mise en scène et scénographie: Catherine Bourgeois
Assistance à la mise en scène: Alexie Pommier
Interprètes: Maryline Chery, Guy-Philippe Côté, Edon Descollines, Pénélope Goulet-Simard, Hubert Lemire, Michael Nimbley et Audrey Talbot
Conseil à la dramaturgie: Sara Fauteux
Conception costumes et scénographie: Amy Keith
Conception éclairages: Jean Jauvin
Conception sonore: Alexander MacSween
Accompagnement et coaching de jeu: Paul Patrick Charbonneau
Sonorisation: Andréa Marsolais-Roy
Direction de production: Pénélope Bourque
Production: Joe Jack et John en coproduction avec le Festival TransAmériques et le Théâtre Gilles-Vigneault
Du 12 au 23 mars 2024 (1h15 sans entracte)
15 et 16 mars — Représentations décontractées
20 et 21 mars — Représentations offertes en audiodescription aux personnes non-voyantes et semi-voyantes
22 et 23 mars — Représentations sur-titrées en anglais
Espace Libre, 1945, rue Fullum, Montréal
Réservations: 514-521-4191
Photos: Thibault Carron
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