par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
La guerre en Ukraine a remis l’ancienne république soviétique au cœur de l’actualité ces dernières années bien qu’elle soit déjà tristement éclipsée par celle dans la bande de Gaza. Qu’à cela ne tienne, les théâtres montréalais, au parfum du monde qui les entoure, ont – quand même assez par hasard – programmé trois pièces qui traitent directement ou indirectement de l’Union Soviétique, ancienne et actuelle.
Dans le cas de Chevtchenko, la première pièce du comédien Guillaume Chapnick, présentée à l’intime Salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, on peut comprendre le jeune auteur de s’intéresser à ses racines ukrainiennes (n’est-il pas le propre de l’artiste d’être en perpétuel questionnement et de miner sa richesse personnelle, particulièrement dans une première œuvre ?), mais on peut aussi se questionner sur la véritable valeur ethnique et géopolitique de sa démarche. En effet, au-delà du titre (le nom de famille du père et de ses trois fils), des comédiens aux origines ukrainiennes ou est-européennes en majorité et des poèmes ukrainiens qui obsèdent le père en perte d’autonomie, cette pièce aurait pu fonctionner aussi bien sans le fond ukrainien un peu plaqué sur le spectacle. Les racines ukrainiennes ne sont pas explorées autant que le sont les racines familiales tout simplement.
On se demande donc si ce texte a attiré le regard du directeur artistique du CTDA Sylvain Bélanger parce qu’il y a vu une opportunité d’exploiter un pays qui est dans l’air du temps et qui se mérite une empathie légitime chez nous, un genre de «ça nous prend une pièce sur l’Ukraine dans la programmation» ? Comme on a beaucoup eu droit récemment à des spectacles sur l’identité autochtone rendus possibles grâce à des subventions spécifiques ? Tristement, bien que le texte de Guillaume Chapnick possède quelques belles qualités, on est en droit de se demander comment il a pu se mériter une place dans la programmation de la Salle Jean-Claude-Germain et comment il a pu recevoir une bourse du Fonds Michelle-Rossignol.
Loin de moi l’idée de remettre en doute le talent des interprètes, bien au contraire. Si ça se trouve, ce sont eux qui sauvent le navire. Les trois frères, joués par Guillaume Chapnick, Quentin Kravtchenko et Alexander Peganov, trois jeunes hommes imparfaits, mal outillés, maladroits, mais qui s’aiment comme ils peuvent, tirent très bien leur épingle du jeu. Il fait aussi bon revoir Gregory Hlady sur scène dans le rôle de ce patriarche en pertes de moyens et de repères. Mais c’est Jean-Sébastien Lavoie, incarnant un personnage qui arrive sur le tard (et dont je ne vous parlerai pas trop pour ne pas divulgâcher un des points forts du texte), qui s’avère le plus solide, le plus touchant.
Somme toute, cette production, qui semble étrangement avoir été montée avec des moyens faméliques à l’exception des belles projections de Raphaël Dely, laisse sur sa faim. Dommage. Peut-être qu’avec un véritable conseiller dramaturgique en amont, on aurait pu dire au jeune comédien que ce texte était bien mince et qu’il partait un peu dans toutes les directions. Hormis les dernières minutes qui touchent et tirent aux ficelles du cœur.
Chevtchenko de Guillaume Chapnick
Mise en scène: Marine Theunissen
Assistance à la mise en scène et régie générale: Lea St-Pierre
Interprétation: Guillaume Chapnick, Gregory Hlady, Quentin Kravtchenko, Alexander Peganov et Jean-Sébastien Lavoie ainsi que la voix de Francine Alepin
Scénographie et lumière: Lauriane Cuello avec l’assistance de Sandra Cuello et Quentin Kravtchenko
Musique: Karl A. Rozanhovic avec la contrebasse de Emilou Johnson
Environnement sonore: Raphaël Dely avec l’assistance de Marie-Lü Charron-Poggioli
Vidéo: Raphaël Dely
Costumes: Guillaume Chapnick et Marine Theunissen
Mouvement: Alexander Peganov
Conseil dramaturgique: Alexander Paganov
Conseil sonore: Chloé Rivest
Prise de son: Silas Goodman
Sonorisation: Marie-Lü Charron-Poggioli
Direction de production: Solène Wagen
Direction technique: Romane Bocquet
Couture des décors: Sandra Cuello
Équipe technique: Enes Ammar, Laure Anderson, Sarah-Maude Boulet, Marc-Olivier Cauchy, Marie-Lü Charron-Poggioli, Jean-Marie Gardien, Julien Lalande, Marie Lépine et Sophie St-Pierre
Une création de Guillaume Chapnick en codiffusion avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
Du 4 au 23 mars 2024 (1h15 sans entracte)
Mardi et mercredi 19h, jeudi et vendredi 20h, samedis 3 et 10 février 15h
Salle Jean-Claude-Germain – Théâtre d’Aujourd’hui, 3900, rue Saint-Denis, Montréal
Billetterie: 514-282-3900 poste 1
Photos: Valérie Remise
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