par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
À l’automne 2018, la comédienne Clara Prévost, qu’on a pu récemment applaudir en Viola dans la mémorable Nuit des rois du TNM, arrivait avec une nouvelle compagnie de théâtre et un premier texte, La Place rouge, qui confirmait déjà un talent d’écriture clair, une voix singulière, une habileté à développer un univers et créer des personnages riches, cette fois-là inspirés très clairement du grand Tchekhov. Avec Brillante, on est ailleurs et, bien que l’on reconnaisse une richesse dans les dialogues, une originalité dans l’univers dramaturgique, la passion de Clara Prévost à développer des personnages qui reflètent une jolie diversité et auxquels on s’attache instantanément, l’autrice atteint une virtuosité vertigineuse.
Brillante est un des plus beaux textes que j’aie vu se déployer sous mes yeux dans les cinq dernières années. Alors que sept enfants et adolescents tentent tant bien que mal de survivre (jouer, apprendre, se développer) au milieu de leur cour d’école réduite en poussière par la violence des frappes «d’eux», attendant avec de moins en moins de véritable espoir que leur lieu d’apprentissage soit reconstruit et que la vie d’avant puisse reprendre, débarque un jeune garçon timide (Dimitri, interprété tour à tour par les pré-ados Oscar Vaillancourt et Aksel Leblanc) portant précieusement une poupée contre son cœur. Alors que la petite clique de survivants hétéroclite peine déjà à gérer ses relations humaines, ce petit élément déclencheur sur deux pattes – et sa poupée de bois – ne feront rien pour simplifier les choses. La poupée Brillante est-elle vraiment magique? Est-elle vecteur d’espoir? Et d’où vient ce Dimitri? Est-il un espion envoyé par «eux»?
Non seulement Clara Prévost a-t-elle écrit une pièce qui fait réfléchir, qui touche le cœur, qui fait rire, mais encore elle dirige sa jeune distribution avec une habileté remarquable. Après avoir été soufflé par le talent d’Alice Moreault (Lola) dans Malaise dans la civilisation à La Chapelle, de Marine Johnson dans 21 à la Salle Jean-Claude-Germain et Les Glaces à La Licorne et de Thomas Derasp-Verge dans La Nuit des rois au TNM (il jouait le frère de Clara Prévost! Comme quoi ça a clairement été une belle rencontre pour eux, hein?), j’ai été ravi de les revoir et de constater que je ne m’étais pas trompé sur leur puissance. Grand bonheur aussi que de découvrir la chimie incroyable de Marie-Madeleine Sarr avec Alice et Thomas avec lesquels elle se trouve dans un fascinant triangle amoureux et tiraillement loyal. Laurence Barrette, Madani Tall et Emmanuel Prud’homme s’avèrent de redoutables comédiens de théâtre, ce dernier particulièrement remarquable de justesse et de générosité (ce qui ne devrait pas nous étonner puisqu’il a reçu sa formation des Muses et qu’il a travaillé avec Des pieds des mains, Joe Jack et John, La Fabrik et Système Kangourou). Tellement touchant et drôle à la fois!
Dans une saison particulièrement foisonnante de spectacles solides, Brillante – le petit train qui pouvait – se démarque comme une des plus belles pièces, comme un des plus importants rendez-vous. Brillante est à ne pas manquer… et mérite de briller sur toutes les scènes, pour tous les publics!
Brillante de Clara Prévost
Mise en scène: Clara Prévost
Assistance à la mise en scène : Isabelle Paquette
Interlocutrice et conseillère artistique: Alice Moreault
Interprétation: Laurence Barrette, Thomas Derasp-Verge, Marine Johnson, Alice Moreault, Emmanuel Prud’homme, Marie-Madeleine Sarr, Madani Tall et, en alternance, Oscar Vaillancourt et Aksel Leblanc
Lumières: Chantal Labonté
Scénographie: Xavier Mary
Costumes, accessoires et marionnette: Angela Rassenti
Conception sonore: Arthur Champagne
Conseil dramaturgique: Pascal Brullemans
Conseil à la mise en scène: Sébastien David
Direction de production: Jasmine Kamruzzaman
Direction technique: Delphine Quenneville
Productions Fil d’Or
Du 17 janvier au 4 février 2023 (1h30 sans entracte)
Salle Fred-Barry (Théâtre Denise-Pelletier), 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal
Réservations : 514-253-8974
Photos: Maxime Côté
Comments