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Théâtre: «Abraham Lincoln va au théâtre» de Larry Tremblay: Revenir sur les lieux du crime

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)

Larry Tremblay a écrit de véritables bijoux au fil des années, tant pour les jeunes (Panda Panda) que pour le grand public (The Dragonfly of Chicoutimi, Le Ventriloque, La Leçon d’anatomie, Cornemuse pour n’en nommer que quelques-uns). Il était temps qu’il fasse son entrée au «Théâtre de tous les classiques, ceux d’hier et de demain». Abraham Lincoln va au théâtre, qui avait d’abord fait l’objet d’une lecture publique avant d’être créée par le Théâtre PàP à Espace GO il y a quinze ans, était le texte tout désigné pour ce premier mariage. D’autant plus que Catherine Vidal, metteure en scène novatrice et magicienne de la réinvention (Les Amoureux de Goldoni, L’Idiot de Dostoïevski, Le Grand Cahier d’Agota Kristof), avait le projet d’une relecture qui multiplierait les mises en abîme. L’union avait tout pour être organique.



On apprend dans le programme de cette nouvelle production du TNM que Lorraine Pintal était tenaillée et hantée depuis «plusieurs saisons [par] le désir de présenter une pièce de Larry Tremblay – auteur dont j’admire la sensibilité et l’intelligence avec laquelle il piège les vicissitudes de notre époque… », Cette reprise d’Abraham Lincoln va au théâtre aura certes pris plus de temps que prévu à nous parvenir à cause de la pandémie mais, devant le résultat final, on peut presque s’en réjouir parce que l’équipe aura eu le rare luxe du temps de préparation, de réflexion, de recherche, de répétition supplémentaire.



La mise en scène de Catherine Vidal est brillante et formidablement bien servie par le décor de Geneviève Lizotte. Les murs-miroirs reflètent (c’est bien le cas de le dire) les nombreuses mises en abîme qui confèrent à la pièce un effet de poupées russes. Là où l’on pourrait craindre que l’intelligence de Larry Tremblay soit trop grande pour que l’on puisse le suivre (j’ai souvent, devant ses pièces ou à la lecture de ses textes, eu des vertiges desquels il me permettait néanmoins de redescendre à temps pour que je saisisse tout, un peu le même effet que j’ai eu les deux fois que j’ai regardé le film Being John Malkovich de Spike Jones écrit par Charlie Kaufman), le génie des mots – surtout quand il est servi par un.e metteur.e en scène habile (Claude Poissant, Martine Beaulne, Eric Jean, Catherine Vidal) – nous porte toujours avec bienveillance.



Dans Abraham Lincoln va au théâtre, on le sait maintenant, l’auteur revisite ce Vendredi Saint infâme du 15 avril 1865 lorsque le comédien John Wilkes Booth assassine le 16e Président des États-Unis. Larry Tremblay et Catherine Vidal nous amènent dans les coulisses du théâtre (pas celui de Washington, le théâtre avec un grand t) et dans le cerveau d’un metteur en scène aux idées pour le moins originales Marc Killman (remarquez le clin d’œil) qui veut recréer l’assassinat sur scène mais en y intégrant l’univers de Laurel et Hardy. Les comédiens Léonard Brisebois (Mani Soleymanlou) et Christian Larochelle (Luc Bourgeois) incarneront les comédiens Laurel et Hardy et seront «appuyés» par un autre comédien, Sébastien Johnson (Didier Lucien) qui viendra finir le travail de mise en scène quand Killman mourra. Et deux autres comédiens (aussi incarnés par Soleymanlou et Bourgeois) viendront incarner Brisebois et Larochelle dans la pièce dans la pièce dans la… vous m’suivez ?



Chacun des quatre acteurs en scène est formidable. Bruno Marcil, qui joue Killman qui incarne aussi la statue de cire de Lincoln, a un charisme et un humour contagieux. Soleymanlou et Bourgeois forment un tandem étonnant qui marche contre toute attente. Didier Lucien qui, dans la première partie, est surtout un très habile narrateur, rejoint enfin ses camarades en deuxième partie et brille à son tour.


On se régale de ce nouvel Abraham Lincoln va au théâtre et on se réjouit que le TNM poursuive son mandat de non seulement nous offrir des classiques dépoussiérés mais de transformer les grandes œuvres plus récentes en classiques de demain.



Abraham Lincoln va au théâtre de Larry Tremblay

Mise en scène: Catherine Vidal

Assistante à la mise en scène et régie: Alexandra Sutto

Avec Luc Bourgeois, Didier Lucien, Bruno Marcil et Mani Soleymanlou

Décor: Geneviève Lizotte

Costumes: Julie Charland

Éclairages: Étienne Boucher

Musique originale: Francis Rossignol

Vidéo: Thomas Payette (Mirari Studio)

Mouvement: Mélanie Demers

Accessoires: Carol-Anne Bourgon Sicard

Maquillages et coiffures: Justine Denoncourt-Bélanger

Une production du Théâtre du Nouveau Monde

14 mars au 8 avril 2023 (Durée: 1h50 sans entracte)

Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal

Billetterie et information: 514-866-8668, poste 1 - https://tnm.qc.ca/

Photos: Yves Renaud

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