Théâtre: «Une Plante verte, verte, verte» de Jean-Philippe Lehoux: Flore apocalyptique

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)

   D’entrée de jeu, je dois dire que le mariage Petit Théâtre du Nord et Jean-Philippe Lehoux marchait déjà sur papier. Un artiste-auteur qui explore des univers inhabituels au théâtre et une compagnie qui, depuis 25 ans, propose des créations originales, souvent déjantées, souvent dans des genres peu visités sur scène ? Un no-brainer comme disent les Américains.

   Après Grandeur minimale requise de Simon Boudreault l’an dernier, qui replongeait dans l’univers étrange des coulisses d’un parc d’attraction en perte de vitesse, le Petit Théâtre du Nord saute à pieds joints dans une dystopie florale - dans le sens de «flore» - aux allures de pièce à sketches où une plante est au cœur de plusieurs histoires qui se déroulent un peu partout, au Québec, en Norvège, mais pas que…, histoires qui finiront par se toucher comme les fils d’un cerveau qui ne va pas bien. On pourrait faire des parallèles avec le cinéma de Paul Thomas Anderson, de David Lynch, d'Alfred Hitchcock, avec des clins d’œil au théâtre de Tardieu, de Beckett, d’Ionesco, au monde du doublage et du cinéma d’horreur.

   C’est qu’Une Plante verte, verte, verte, tout en étant une pièce qui dénonce la bêtise humaine, adresse les changements climatiques, les dérives de l’intelligence artificielle et les démarches pas toujours honnêtes des scientifiques. C'est également une délicieuse partition pour que s’éclatent cinq comédiens en feu qui prennent leur pied en incarnant une multitude de personnages fort bien développés par leur auteur. Jean-Philippe Lehoux et le metteur en scène Charles Dauphinais affirment avoir fait beaucoup de recherche sur les plantes, la photosynthèse… et se questionnent sur… et si l’humain avec son «gros cerveau» n’était pas si intelligent que ça et que les plantes – qui ont l’air bien innocentes comme ça – fomentaient plutôt un putsch planétaire, une révolution qui nous achèverait pour de bon, terminerait l’extinction que nous avons déjà si bien entamée tous seuls ?

    Ce serait une grave erreur de se rendre au Petit Théâtre du Nord à la recherche d’une pièce de théâtre d’été traditionnelle, un vaudeville où les mensonges se succèdent et les maris autant que leurs femmes trompent tout le monde en claquant des portes. Parce que rien de ce que fait le Petit Théâtre du Nord n’est traditionnel, ne serait que le fait que cette compagnie adore raconter des histoires et mener son public sur une croisière de l’inattendu. Chaque année, on est étonné et c’est ce qui fait le charme de l’aventure.

    Chaque année aussi, autour du noyau de directeurs/comédiens, on découvre de nouveaux (ou pas si nouveaux mais pas souvent vus) visages qui contribuent aussi à la surprise, au plaisir de cette expérience toujours nouvelle. Cette année, le vétéran Carl Béchard (qu’on a vu la dernière fois sur la scène du TNM dans Le Rêveur dans son bain) brille aux côtés des jeunes Andréanne Daigle et Mathieu Richard avec le duo/couple de codirecteurs/comédiens Sébastien Gauthier et Mélanie St-Laurent.

   Pour une fuite en avant à la fois divertissante, drôle et étrangement éducative, on se déracine pour quatre-vingt-dix minutes intensives au Petit Théâtre du Nord.

Une Plante verte, verte, verte de Jean-Phiippe Lehoux Mise en scène: Charles Dauphinais Assistance à la mise en scène et régie: Martine Richard Avec Carl Béchard, Andréanne Daigle, Sébastien Gauthier, Mélanie St-Laurent et Mathieu Richard avec la participation de Luc Bourgeois Décors et accessoires: Camille Walsh Costumes: Rosemarie Levasseur Éclairages: Nat Descôteaux Son et musique: Sarah Leblanc-Gosselin Direction technique: Ghislain Dufour Direction de production: David Brazeau Une production du Petit Théâtre du Nord Du 20 juin au 24 août 2024 les jeudis et vendredis à 20h et samedis à 16h + mercredi 14 août 20h (Durée: 1h30 sans entracte) Petit Théâtre du Nord, 305, chemin de La Grande-Côte, Boisbriand Information et billetterie: 450-419-8755 ou www.petittheatredunord.com Photos: Veronica Bivol et Marie-France Falardeau