par Yanik Comeau (ZoneCulture)
Depuis qu’il a gradué du Conservatoire d’art dramatique de Québec il y a cinq ans, Jocelyn Pelletier se trace un parcours artistique des plus intéressants. Tout en plongeant dans la création, il aime aussi déboulonner les classiques et les mettre à sa main pour explorer la psyché humaine. Après s’être attaqué à la Phèdre de Sénèque avec sa production De l’instant et de l’éternité présentée au printemps 2018 à l’Usine C, voilà qu’il s’attaque au colossal Macbeth de Shakespeare dans une chaotique et cacophonique réécriture death metal.
Ne serait-ce que par son titre, Macbeth est l’œuvre toute naturelle pour intégrer le death metal, le jeu de mot avec le titre en témoignant déjà. Mais au-delà de ça – et s’il n’y avait que ça, ce serait trop peu pour justifier un tel projet –, la violence de cette pièce, écrite il y a plus de 400 ans, vient se coller assez naturellement à cette musique en quelque sorte descendante de certaines œuvres de Bach, Verdi, Brahms et Wagner, n’en déplaise aux mélomanes puristes.
Respectant la structure de la pièce en cinq actes, le MacDEATH de Pelletier s’ouvre sur les prophéties des sorcières qui viendront en quelque sorte créer la zizanie entre les généraux du roi Duncan d’Écosse, Macbeth (Guillaume Perreault) et Banquo (Maxim Paré-Fortin), des amis jusque-là. S’installera une rivalité entre les deux hommes, une opposition, un combat qui se transposera dans une guerre de voix et de guitares volontairement dissonantes. Lady Macbeth (Fanny Migneault-Lecavalier), l’ambitieuse femme du premier, qui souhaite devenir reine d’Écosse, contrepoids aux guitares avec son clavier, usera de ses charmes pour pousser son mari à l’irrémédiable. À la batterie, Samuel Bobony, dos au public, servira de catalyseur, de chef d’orchestre, de provocateur d’énergies, d’alimentateur d’émotions brutes pendant que le concepteur sonore, sonorisateur, DJ, narrateur/chanteur/lead singer Érick D’Orion viendra ponctuer les scènes.
Au-delà du genre musical imposé de la première à la dernière minute du spectacle (et avant puisque du death metal joue même avant l’entrée en salle des spectateurs), la proposition bestiale, animale, viscérale de Jocelyn Pelletier est pleinement assumée et fonctionne bien. Bien qu’à mon avis, sa force ne réside pas dans ses choix de mise en scène (ce qui était aussi évident dans De l’instant et de l’éternité), il réussit à rallier son équipe autour de sa proposition. Malgré la place démesurée qui est accordée à la musique, les comédiens arrivent à ne pas se perdre. Guillaume Perreault est un des meilleurs comédiens de sa génération et il arrive toujours à relever les défis qu’on lui propose. Je l’avais beaucoup apprécié dans le Titus d’après Shakespeare d’Édith Patenaude et il m’avait soufflé de par son énergie et son charisme dans De l’instant et de l’éternité. Son Macbeth ne fait pas dans les demi-mesures et sa chimie avec Fanny Migneault-Lecavalier, elle aussi d’une grande générosité, est impressionnante. Bien que les éclairages et maquillages viennent quelque peu gommer les expressions des comédiens, Maxim Paré-Fortin, en Banquo, réussit lui aussi à tirer son épingle du jeu et j’ai bien hâte de le revoir sur scène dans un rôle qui lui permettra plus de nuances.
Bien que par moments le propos puisse se perdre dans l’overdose musicale proposée par ce bain de death, on ne peut que s’incliner devant l’audace de la proposition. Pleinement assumée, la production atteint son objectif et son public. J’aurais souhaité personnellement plus de théâtralité, mais je ne suis pas certain que Jocelyn Pelletier et moi soyons sur la même longueur d’ondes. J’apprécie son travail dramaturgique, son approche des textes, mais je ne comprends pas tous ses choix de mise en scène et n’adhère pas toujours à ses propos (son point de vue lors du vendre ou rénover au Théâtre d’Aujourd’hui m’avait irrité au plus haut point). Qu’à cela ne tienne, j’aime toujours découvrir ce qu’il a à proposer d’un spectacle à l’autre et je m’y présente toujours avec l’esprit ouvert.
MacDEATH
Idéation, adaptation du texte, mise en scène et scénographie: Jocelyn Pelletier
Musique et performance: Fanny Migneault-Lecavalier, Maxim Paré-Fortin, Guillaume Perreault, Samuel Bobony et Érick D’Orion
Soutien dramaturgique: Stéphane Lépine
Conception sonore: Érick D’Orion
Conception vidéo, régie et direction technique: Louis-Robert Bouchard
Conception lumières: Martin Sirois
Conception costumes: Kate Lecours
Une production Recto-Verso
9 au 17 mars 2020 (1h10 sans entracte)
Lundi 9 mars 19h, mardi 10 mars 20h, vendredi 13 mars 20h (avec surtitrage anglais), samedi 14 mars 16h, lundi 16 mars 19h et mardi 17 mars 20h
La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal
Réservations : 514-843-7738 – www.lachapelle.org
Photos: Robert Pelletier
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