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Photo du rédacteurYanik Comeau

Théâtre musical: «Annie» de Thomas Meehan/Charles Strouse/Martin Charmin: Broadway chez nous

par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)

Depuis plusieurs années chez nous, grâce à un fondateur qu’on ne peut plus nommer mais qui avait la qualité d’être ambitieux et qui ne croyait pas que nous étions «nés pour un p’tit pain», Juste pour rire ne recule devant rien et ne ménage aucune dépense pour nous offrir des adaptations québécoises des plus grands musicals de Broadway. Au fil des années, entre les mains de Denise Filiatrault, Serge Postigo, Serge Denoncourt, le producteur québécois, qui fête les 40 ans de son Festival cette année, nous a proposé, parfois en coproduction avec le Théâtre du Rideau Vert, de Neuf, Sweet Charity, Un Violon sur le toît à Fame, Les Choristes, Footloose et Mary Poppins, des versions francophones qui peuvent fièrement rivaliser avec les originales newyorkaises.



Bien sûr, les scènes de Broadway sont deux fois plus grandes et plus hautes que celle du Théâtre Saint-Denis, et la très petite scène du Rideau Vert aurait eu bien de la difficulté à accueillir les quatre dernières productions de cette liste… et même les trois premières n’eut été de la grande ingéniosité de sa directrice artistique, mais l’arrivée de cette nouvelle Annie, si collée à et respectueuse de l’originale et pourtant si contemporaine, dynamique, pas du tout poussiéreuse nous prouve encore que nous n’avons rien à envier à qui que ce soit.



En adaptant le livret, Serge Denoncourt a donné une saveur bien québécoise aux personnages, ce qui ne veut pas dire qu’ils parlent tous «égaux», qu’ils s’expriment tous dans un même joual qui fait écho à la langue de Tremblay. On détecte de nombreux clins d’œil directs à la langue de notre «dramaturge national» («dans la soie et le velours» (Marie-Ange Brouillette, Les Belles-Sœurs), notamment et Miss Hannigan qui se met à bien perler lorsqu’elle s’adresse à Miss Farrell) que Denoncourt estime, respecte et a beaucoup monté (L’Oratorio de Noël, Messe solennelle pour une pleine lune d’été, Fragments de mensonges inutiles, Thérèse et Pierrette à l’École des Saints-Anges, Hosanna, Cher Tchekhov…) mais les délicieux accents anglais et «radio des années 30» du majordome Drake et de Bert Healy respectivement, les accents acadiens/franco-ontariens de Rooster et de Lily St-Régis en faux parents biologiques d’Annie, la jolie diction proprette de Miss Farrell, toutes ces saveurs contribuent à donner une couleur «locale» sans pour autant délaisser le New York de la Grande Dépression de Franklin Delano Roosevelt. Une brillante adaptation.



On peut dire la même chose des paroles des chansons sur lesquelles Denoncourt a travaillé avec Manuel Tadros, un virtuose de cet art, lui qui a notamment adapté le film inspiré du musical Chicago pour le marché francophone. Les chansons, même les grands classiques comme It’s the Hard-Knock Life et Tomorrow ne sont pas du tout clinquantes avec leurs nouvelles paroles en français. On se surprend même à les trouver très naturelles dans la bouche des interprètes. Un tour de force.



Encore une fois, Denoncourt s’entoure d’une brillante équipe de concepteurs, plusieurs des habitués de productions denoncourtiennes. Guillaume Lord à la scénographie (grandiose, ingénieuse, efficace), Pierre-Guy Lapointe aux costumes (magnifiques !), Silent Partners Studio à la conception vidéo (avec qui il avait travaillé sur Edmond), Julie Basse aux éclairages… tout de cette production relève de la virtuosité…



Ce qui nous amène à parler de la distribution. Le soir de la première, c’est la petite Kayla Tucker qui incarnait Annie. Absolument impeccable tant au niveau du jeu, de la danse que du chant, elle démontre aussi tout le bagout et toute l’énergie nécessaire pour briller de tous ses feux dans un rôle si exigeant. On oublie rapidement que le français n’est pas sa langue maternelle et les quelques moments subtils où elle ne semble pas complètement certaine de ce qu’elle dit. C’est là un détail bien insignifiant dans l’océan de compliments qu’elle se mérite pour son interprétation sublime.



Ensuite, difficile de ne pas souligner les rires provoqués par l’hilarante performance de Geneviève Alarie en Miss Hannigan. Elle est juste parfaite ! Casting formidable, un personnage qu’on aurait dit écrit spécialement pour elle alors qu’on sait qu’elle avait de grandes chaussures à enfiler avec cette vieille chipie qui a été jouée par les célèbres Carol Burnett, Kathy Bates, Nell Carter, Jane Lynch et combien d’autres avant elle.



La performance de David Savard en Daddy Warbucks est à la fois drôle et touchante. Maladroit avec ses émotions, direct et malpoli en affaires, le personnage du richissime homme d’affaires est entre bonnes mains tout comme les rôles de Grace Farrell et Lily St. Régis incarnés par Véronique Claveau et Émily Bégin respectivement. Cependant, ce sont Kevin Houle (Rooster) et Éloi Archambaudoin (Drake/Bert Healy) avec leurs belles compositions qui m’ont particulièrement impressionné.





En plus de l’excellente direction vocale et des arrangements vocaux brillants, il faut souligner les chorégraphies très efficaces de Wynn Holmes et Nico Archambault qui se collent aux originales tout en les renouvelant de belle façon. Intéressant aussi de voir le pianiste et directeur musical Lorenzo Somma aller d’un piano à l’autre des deux côtés de la scène tout en s’intégrant aux transitions, aux changements de décor comme un délicieux Charlie Chaplin sympathique.



Bien sûr, les jeunes orphelines sont formidables aussi, choisies avec minutie au cours d’un long processus de sélection/audition.


Annie est un véritable cadeau estival. Un spectacle pour toute la famille qui épate et ravit.


Annie

Livret de Thomas Meehan

Musique de Charles Strouse

Paroles de Martin Charmin

Mise en scène de la production originale de Broadway: Martin Charmin

Inspirée de la bande dessinée Little Orphan Annie

Mise en scène et traduction du livret et des paroles de chansons: Serge Denoncourt

Traduction des paroles des chansons: Manuel Tadros

Assistante à la mise en scène: Marie-Christine Martel

Avec Kayla Turner ou Ange-Élie Ménard, David Savard, Véronique Claveau, Geneviève Alarie, Kevin Houle, Émily Bégin, Nico Archambault, Éloi Archambaudoin, Joseph Bellerose, Hélène Major ou Émilie Josset, Krystel-Marie Assaf, Marco Edwards, José Flores, Cyndie Forget-Gravel, Geneviève Gagné, Janelle Hacault, Eric Olivier, Élianne Sauvé, Juliette Aubin, Arielle Lalonde, Anaïs Couture, Olivia Leclair, Florence Lortie, Alba Santos-Deschamps, Simone Bilodeau, Maëlla-Rose Martel, Alice Déry, Raphaëlle Morissette et Lorenzo Somma

Directeur musical et arrangeur: Lorenzo Somma

Chorégraphe: Wynn Holmes

Assistant chorégraphe: Nico Archambault

Scénographe: Guillaume Lord

Co-Scénographe: Jeanne Ménard-Leblanc

Concepteur costumes: Pierre-Guy Lapointe

Conceptrice des éclairages: Julie Basse

Concepteur vidéo: Silence Partner Studio

Concepteur sonore et consultant à la sonorisation: Jean-Philippe Bonichon

Assistant concepteur sonore et ingénieur système: Grégory Carlet

Coach vocal: Katee Julien

Coach diction: Luc Bourgeois

Accessoiriste: Julie Measroch

Conceptrice maquillages et coiffures: Amélie Bruneau-Longpré

Assistante aux maquillages et coiffures: Camille Sabbagh Bourret

Une production Juste pour rire

Dès le 22 juin 2022 au Théâtre Saint-Denis, Montréal (Durée : 2h35 incluant entracte)

***5 nouvelles représentations du 28 au 31 juillet 2022

Dès le 12 août 2022 à la Salle Albert-Rousseau, Québec

Photos: Laurence Labat

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