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Théâtre: «La Ménagerie de verre» de Tennessee Williams: Si fragile

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


   Les pièces La Chatte sur un toit brûlant et Un Tramway nommé Désir sont sans doute les plus célèbres – peut-être à cause des adaptations cinématographiques et à cause de leur flamboyance – de Tennessee Williams et, pourtant, c’est son chef d’œuvre La Ménagerie de verre, sa première pièce majeure, qui a d’abord fait sa renommée. Un des auteurs les plus importants de la dramaturgie américaine du début du siècle dernier (avec Arthur Miller et Eugene O’Neill), Williams y livre sans doute une de ses œuvres les plus autobiographiques, l’histoire d’un jeune homme qui rêve d’une carrière d’écrivain et qui fuit comme il peut – à coup de quelques heures à la fois – l’étouffement de sa vie familiale avec sa mère envahissante et sa sœur maladivement timide.




   Pour avoir lu la pièce et en avoir vu quelques productions, je crois que la nouvelle traduction (je dirais presque adaptation et pourtant peut-être pas) de Fanny Britt et la mise en scène d’Alexia Bürger (difficile de savoir où l’une commence et où l’autre finit tant le duo semble avoir travaillé étroitement) est la plus proche de ce que l’auteur aurait fait lui-même s’il avait pu en 1943. Parce que tel qu’interprété par Fabrice Yvanoff Sénat, un jeune acteur que j’avais beaucoup apprécié dans Inframonde à Fred-Barry, le duo Britt-Bürger gomme beaucoup moins les effluves d’homosexualité chez le jeune homme qui sort tous les soirs «au cinéma» et revient aux petites heures du matin, rendant sa mère contrôlante à moitié folle. Avec la complicité de Patrice Charbonneau-Brunelle à la scénographie, Bürger choisit aussi d’illustrer l’appartement que rêverait Tom, l’écrivain en devenir, plutôt que le logement décrépit sur laquelle Amanda (la mère) a dû se rabattre lorsque le paternel a abandonné la famille.




   Dans cette production, malgré le titre qui rappelle la collection de petits animaux de crystal de Laura (magnifique Elisabeth Smith), la petite sœur fragile, légèrement handicapée, maladivement timide, la jeune femme n’est pas au cœur de l’intrigue. Alors que souvent, on considère Amanda (une excellente surprise incarnée par Marie-Hélène Thibault qui a rapidement su dissiper mes doutes) et Laura les personnages principaux de la pièce, ici, c’est davantage Tom et Amanda. Plus que jamais, on sent l’urgence de Tom d’aider égoïstement Amanda à trouver un prétendant viable pour sa sœur afin qu’il puisse fuir la maison et vivre sa vie d’artiste, de jeune homme libre, loin de sa famille.




   Alors que lorsque la saison a été dévoilée l’an dernier et la distribution en même temps, j’avoue bien franchement que je croyais que la publicité était faite autour de Fabrice parce que Jim, le prétendant, est celui par lequel le chaos au sein de la famille Wingfield devient encore plus grand et que c'était lui qui allait l"incarner. Quand j’ai compris que Fabrice allait plutôt jouer le frère de Laura, le fils d’Amanda, j’avoue que j’ai été très agacé par cette obsession de la diversité qui allait jusqu’à défier la biologie. J’étais braqué. J’attendais un miracle pour qu’Alexia Bürger me convainque de son choix. Et le miracle fût, en partie grâce à une mystérieuse photo noir et blanc du père absent. Et mes préjugés sont sortis par la grande fenêtre que Tom et Amanda utilisent pour accéder à l’escalier de secours.




   J’applaudis donc cette nouvelle traduction de Fanny Britt appuyée par Alexandra Pierre et Nicolas Gendron à la dramaturgie, la mise en scène et la direction d’acteurs d'Alexia Bürger qui maintient à mes yeux le statut de créatrice visionnaire (Les Hardings, 21 de Rachel Gratton), les interprétations sensuelle de Fabrice Yvanoff Sénat, touchante et nuancée d’Elisabeth Smith, tristement tragique et williamsesque de Marie-Hélène Thibault et suave de Thomas Derasp-Verge (Jim).


   Mentions spéciales à Elen Ewing pour la robe hallucinante d’Amanda (qui rappelait la robe pole à rideaux créée par Bob Mackie pour Carol Burnett dans sa parodie de Gone with the Wind !), à Wynn Holder pour le mouvement, à Frannie Holder pour la conception sonore et à Étienne Boucher pour la chaleur de ses éclairages.




   Avec une famille tricotée serrée (Les Plouffe), une famille royale (Le Roi danse), une famille choisie (L’Éveil du printemps) et une famille dysfonctionnelle (La Ménagerie de verre), Claude Poissant aura donné au Théâtre Denise-Pelletier, pour ses 60 ans, une saison qui, plus que jamais, aurait réchauffé les cœurs de ses fondateurs, eux qui souhaitaient encore et toujours amener les classiques – et le théâtre – aux jeunes. Des classiques pour les jeunes que les amoureux de théâtre tant que les non-initiés de tous âges peuvent apprécier.



La Ménagerie de verre de Tennessee Williams Traduction et adaptation: Fanny Britt Mise en scène: Alexia Bürger Assistance à la mise en scène et régie: Ariane Brière Dramaturgie: Alexandra Pierre et Nicolas Gendron Avec Fabrice Yvanoff Sénat, Elisabeth Smith, Marie-Hélène Thibault et Thomas Derasp-Verge Scénographie: Patrice Charbonneau-Brunelle Assistance à la scénographie: Maude Janvier Costumes: Elen Ewing Assistance aux costumes: Fany McCrae Lumières: Étienne Boucher Mouvement: Wynn Holmes Diction: Luc Chandonnet Conception sonore: Frannie Holder Maquillages et coiffures: Justine Denoncourt-Bélanger Stagiaire: Juliette Papineau-Holdrinet Une production du Théâtre Denise-Pelletier Du 12 mars au 9 avril 2024 (1h40 sans entracte) Théâtre Denise-Pelletier, 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal Réservations: 514-253-8974 Information: www.denise-pelletier.qc.ca

Photos: Victor Diaz Lamich

1 Comment


tamalou3
Jul 09

Il a de quoi le petit Deraspe. Il a fait une école ?

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