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Photo du rédacteurYanik Comeau

Théâtre: «Koulounisation» de Salim Djaferi: Sémantique 101

par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)

Pendant l’entrée en salle, le comédien, auteur et metteur en scène belge né de parents algériens Salim Djaferi investit son décor d’une blancheur immaculée, dépouillé, démêlant patiemment des nœuds dans un ballot de corde et regardant son public prendre place, échangeant sourires et regards bienveillants. Lorsque le spectacle commence, l’interprète chaleureux et affable emmène les spectateurs et les spectatrices avec lui dans son processus de recherche, sa quête identitaire personnelle entrecoupée de son enquête sémantique née d’une question toute simple: «Comment dit-on ‘colonisation’ en arabe?».



Une toute petite question qui, normalement, aurait rapidement trouvé réponse, devient la bougie d’allumage d’un impressionnant voyage à la fois littéral et métaphorique au cœur de la petite et de la grande Histoire. À l’instar de J’aime Hydro qui partait de la question «Est-ce qu’on a vraiment besoin d’harnacher d’autres rivières avec de nouveaux barrages ?», le petit cours de sémantique 101 de Salim Djaferi, à l’apparence si innocent et inoffensif parce que si ludique et accessible, gonfle, gonfle, gonfle jusqu’à devenir une puissante charge contre la colonisation, «la visite qui s’impose trop longtemps». Parce que la recherche du mot pour dire colonisation en arabe, elle, donnera plusieurs réponses et chaque réponse posera une ou plusieurs nouvelles questions puisqu’elle contiendra une charge émotive et politique inattendue.



Jamais moralisateurs, le créateur et son spectacle passent de puissants messages avec une intelligence et une subtilité redoutables, souvent même avec un clin d’œil presque troublant, comme si Salim Djaferi jouait à la fois le colonisateur et celui que ce dernier envahi. Absolument fascinant! Au risque de trop en dire, le critique choisira de taire toutes les trouvailles ingénieuses qu’emprunte le créateur pour passer ses messages visuellement mais dira au public potentiel qu’il faut voir ce spectacle duquel on sort grandi, nourri, touché, bouleversé, … tout autant que diverti et léger. Habile.


«Dans les petits pots les meilleurs onguents» selon un dicton bien connu. Koulounisation de Salim Djaferi n’a pas besoin de «bells and whistles» comme disent les Américains. Dans la simplicité la plus pure et la théâtralisation la plus simple mais ô combien ingénieuse, le créateur brillant amène le spectateur dans le plus fascinant des voyages. Et séduit son public de façon tout aussi sournoise mais beaucoup moins machiavélique que le koulounisateur.



Koulounisation

Texte, mise en scène et interprétation: Salim Djaferi

Assistance à la mise en scène: Clément Papachristou

Écriture de plateau: Delphine DeBaere

Aide à l’écriture: Marie Alié, Nourredine Ezzaraf

Dramaturgie: Adeline Rosenstein

Scénographie: Justine Bougerol, Silvio Palomo

Lumière: Laurie Fouvet

Du 26 septembre au 7 octobre 2023 (1h10 sans entracte)

Développement, production et diffusion: Habemus papam

Théâtre Prospero – salle principale, 1371, rue Ontario Est, Montréal

Renseignements : 514-526-6582 – theatreprospero.com

Photos: Thomas Jean Henri

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