par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Robert Lepage nous a habitués à des spectacles à grands déploiements, même quand ils sont intimes, avec des dispositifs scéniques impressionnants, de La Vie de Galillée de Brecht au TNM au Projet Riopelle chez Duceppe. Avec Courville, son deuxième spectacle de suite au Théâtre du Nouveau Monde puisque les représentations de la reprise de sa fresque Les Sept Branches de la Rivière Ôta avaient dû être reportées à cause d’un incendie au théâtre l’été dernier, Robert Lepage replonge dans l’autobiographie comme il l’avait fait avec 887, mais cette fois, l’enfance cède la place au bouillonnement de l’adolescence.
Courville, c’est la banlieue de Québec qui a vu Robert Lepage grandir, à l’ombre des Chutes Montmorency. Le spectacle raconte les années troubles d’un garçon qui découvre l’amitié, la sexualité, sa différence, son amour pour un jeune athlète qui travaille comme sauveteur à la piscine municipale pendant l’été, les problèmes qu’il a avec sa mère, avec son oncle qui, depuis le décès de son père, est venu s’installer à la maison et lui a en quelque sorte volé sa chambre. Alors que le jeune Simon a toute la vie devant lui, des événements troublants viendront tout bousculer.
L’histoire est racontée par Simon devenu adulte, incarné par le comédien de Québec Olivier Normand à qui Robert Lepage confie ce spectacle très personnel après l’avoir joué lui-même, comme il l’avait fait précédemment avec Marc Labrèche (Les Aiguilles et l’Opium), Yves Jacques (La Face cachée de la lune)… Le comédien manipulera des marionnettes et leur prêtera sa voix, incarnant tant sa mère que son oncle, son amie Sophie ou le sauveteur de son cœur, accompagné de trois marionnettistes discrets et habiles. Ici, le théâtre dans le théâtre n’est pas sans rappeler Les Feluettes de Michel Marc Bouchard mais où les marionnettes remplacent les détenus qui jouent les personnages du passé.
Bien qu’il soit ingénieux de faire jouer les adolescents par des marionnettes, il reste que cet art n’est pas sans limite. La froideur des visages, la non-communicabilité des pantins et certains déplacements (notamment quand elles marchent) viennent parfois nous sortir de l’histoire et nous rappeler qu’il s’agit de poupées.
Qu’à cela ne tienne, même si la pièce finit un peu vite – pour ne pas dire «sur les chapeaux de roues» – il reste que l’histoire est habilement ficelée, est parsemée de délicieux rappels du passé historique du Québec et oscille joyeusement entre l’anecdotique et l’important, comme la majorité des spectacles de Robert Lepage dont c’est devenu la marque de commerce presque tout autant que ses mises en scène élaborées.
On est encore une fois soufflés par l’utilisation originale et novatrice de la vidéo (les scènes d’eau tout particulièrement – piscine, ruisseau, chute… - sont impressionnantes comme c’était le cas avec la patinoire dans Le Projet Riopelle.
Avec Courville, Lepage nous fait passer une belle soirée de magie mais, comme à son habitude, il passe parfois à côté de l’émotion au profit de l’innovation. Mais il serait triste de bouder son plaisir parce que du Robert Lepage, c’est toujours un événement et c’est toujours à couper le souffle.
Courville de Robert Lepage Texte, conception et mise en scène: Robert Lepage Conception et direction de création: Steve Blanchet Assistance à la mise en scène et régie: Francis Beaulieu Avec Olivier Normand et les marionnettistes Wellesley Robertson III, Caroline Tanguay et Martin Vaillancourt Décor: Ariane Sauvé Costumes: Virginie Leclerc Éclairages: Nicolas Descoteaux Images: Félix Fradet-Faguy Musique originale: Mathieu Doyon Accessoires: Jeanne Lapierre Marionnettes: Jean-Guy White, Céline White Une production d’Ex Machina 12 septembre au 7 octobre 2023 (Durée: 1h55 sans entracte) *** Supplémentaires: Jeudi 12 octobre 20h, vendredi 13 octobre 20h, samedi 14 octobre à 15h et dimanche 15 octobre à 14h Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://ticket.tnm.qc.ca Photos : Yves Renaud
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