par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
Comme la majorité des théâtres montréalais, le Centaur a enfin pu rouvrir ses portes et accueillir le public, d’abord avec les spectacles du Festival Wildside REMIX, et maintenant avec sa première production originale post-pandémie, A Play for the Living in a Time of Extinction de l’auteure Miranda Rose Hall. Cette pièce solo post-pandémie et pré-apocalypse arrive comme une bouffée d’air frais, principalement grâce à l’excellente comedienne Warona Setshwaelo qui incarne la conseillère dramaturgique (quelle est la dernière fois qu’on a vu une conseillère dramaturgique comme personnage principal d’une pièce?) Naomi qui est pas mal la femme-à-tout-faire au sein de la petite compagnie de théâtre qu’elle dirige avec deux collègues artistes.
Mais aujourd’hui, Naomi devra ajouter une nouvelle corde à son arc, un nouveau titre à son CV, qu’elle le veuille ou non. Ses partenaires ont dû annuler la representation de ce soir et ont supplié Naomi de monter sur scène et improviser devant le public. «T’as tellement fait de recherche sur le sujet, ma grande, t’as juste à monter sur scène et parler.» Le sujet? Les extinctions de masse. Celles du passé et celle dans laquelle nous nous sommes nous-mêmes plongés dans les 200 dernières années. Un petit sujet léger et sans conséquences, comme vous pouvez voir.
Bien que Naomi ne soit pas une scientifique et n’en joue même pas une à la télé, elle en connaît néanmoins pas mal sur le sujet parce que c’est le thème de cette création théâtrale que présente sa compagnie en tournée depuis déjà un moment. Les extinctions d’espèces au fil des ères, des extinctions majeures qui ont ponctué la vie terrestre avant l’homo sapiens et celles causées par ce dernier, incluant l’extinction de masse que nous vivons présentement.
L’écriture de Miranda Rose Hall est généralement limpide, accessible, pas réservée aux nerds de la science, pas une thèse de doctorat qui passerait cent pieds au-dessus de la tête du commun des mortels… particulièrement les mortels du monde artistique ! Ce monologue sans quatrième mur s’ingeste facilement sans être pré-mâché, est finement écrit et poétique sans être trop intellectuel. Dans la dernière partie, l’information scientifique est peut-être un peu trop présente et crée des longueurs qui pourraient faire dire à certains spectateurs «OK, c’est beau, j’ai compris! Plus nécessaire d’en rajouter!», mais entre les mains habiles de Warona Setshwaelo, ce n’est pas un bémol majeur. La personnalité chaleureuse, l’affabilité et l’excellent sens du timing de la comedienne jumelés au sens de l’humour et à l’attitude généralement sans jugement du personnage permet de faire passer ce sujet tristement sérieux, pour ne pas dire mortellement urgent et dramatique.
La scénographie de Julie Fox, minimaliste à première vue, est d’une efficacité redoutable et prend vie grâce à la magie des éclairages de Paul Chambers.
Au bout du compte, hormis le fait qu’on aurait peut-être préféré que le Centaur rouvre ses portes avec une pièce «locale» plutôt qu’une oeuvre américaine, l’aspect universel de la thématique des changements climatiques et l’excellente performance de Warona Setshwaelo supplantent les références culturelles et socioéconomiques de Baltimore au Maryland que, comme spectateurs, nous pouvons facilement transposer de toute façon. Même avec un sujet si dur et si urgent (pour ne pas dire triste et déprimant), il fait vraiment bon se retrouver au Centaur.
A Play for the Living in a Time of Extinction de Miranda Rose Hall Mise en scène: Rose Plotek Interprétation: Warona Setshwaelo Scénographie et costumes: Julie Fox Conception d’éclairages: Paul Chambers Conception sonore: Jesse Peter Ash Régie: Luciana Burcheri Une production du Théâtre Centaur Du 26 avril au 15 mai 2022 (durée: 75 minutes, sans entracte) Centaur Theatre, 453, rue Saint-François-Xavier, Vieux-Montréal Réservations: 514-288-3161 Information: https://centaurtheatre.com/shows/a-play-for-the-living-in-a-time-of-extinction/ Photos: Andrée Lanthier
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