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«Savoir compter» de Marianne Dansereau: Juges et parti

Dernière mise à jour : 9 mars 2021

par Yanik Comeau (Comunik Média)



Dans le cadre de sa résidence à la salle Jean-Claude-Germain, l’auteure et comédienne Marianne Dansereau propose d’abord Savoir compter, une partition théâtrale casse-tête qui se construit, prend forme sous les yeux des spectateurs avec comme toile de fond un xylophone métallique pour enfant comme nous en avons tous eu un quand nous étions petits. Les sept personnages, tous plus tordus, troublants et troublés les uns que les autres, viendront raconter quelques histoires qui finiront par se recouper, un peu à la manière de certains films de Paul Thomas Anderson (Magnolia) ou d’Iñarritu (Babel), à beaucoup plus petite échelle, on s’entend.


Dirigés, jugés, manipulés comme des marionnettes par un narrateur (le metteur en scène Michel-Maxime Legault) revêtant un costume de dauphin (on comprendra pourquoi au cours de la représentation), lisant les didascalies et les en-têtes de scènes qui semblent plus cinématographiques que théâtrales, Le Gars de chez Vidéotron qui cruise des filles en file au McDo (avec un monologue qui pousse la «gluanterie» à un extrême à peine endurable, mais d’une efficacité à couper le souffle – Mathieu Quesnel 100% assumé), La Fille qui se demande combien (troublante Patricia Larivière), Q-tips (Marianne Dansereau, prenant clairement plaisir à livrer ses «lignes» savoureuses), Le Gars qui a arrêté de calculer (Sébastien Tessier tout en nuances), La Fille qui compte sur ses doigts (Marion Van Bogaert Nolasco – quelle découverte!), La Femme qui a de la misère avec son forfait Illico (une magnifique Annette Garant, absolument brillante et au sommet de sa forme – dans tous les sens du terme!) et Le Gars qui dit: «Quand c’est rose, c’est beau !» (excellent Jérémie Desbiens en gynécologue maladroit) interagiront dans un espace restreint qui aurait fini par agacer si la pièce avait duré vingt minutes de plus, malgré l’ingéniosité de la scénographie d’Odile Gamache et des éclairages de David-Alexandre Chabot.

C’est que Michel-Maxime Legault, après avoir proposé une mise en scène éclatée et oxygénée avec Les bâtisseurs d’empire ou le Schmürz de Boris Vian sur l’immense scène du Théâtre Denise-Pelletier, aura choisi, pour Savoir compter, d’adhérer à cette étrange mode de mises en scène tellement minimalistes que l’on est à quelques pas seulement de la mise en lecture. D’autant plus que lui-même, assis sur une chaise à l’écart avec un livre entre les mains, nous fait la lecture comme à l’heure du conte à la bibliothèque municipale. Fort heureusement, cette production échappe à l’ennui qui peut guetter les pièces où l’on raconte davantage que l’on ne montre grâce aux phrases finement ciselées de l’auteure et au dévouement époustouflant de la distribution.


On ne s’ennuie pas devant Savoir compter aussi parce que Marianne Dansereau a développé des personnages solides, étoffés et les a mis dans des situations qui lui permettent de remettre en question tout le schème de valeurs dans lequel la société occidentale s’enlise de plus en plus, ces humains qui rejettent la religion organisée et ses valeurs tellement dépassées mais qui jugent plus que jamais et font les gorges chaudes sur les réseaux sociaux tout en devenant de plus en plus tordus en privé parce qu’en manque de sensations fortes.


En attendant Hamster (prix Gratien-Gélinas 2015) à La Licorne en mars prochain et le deuxième texte de sa résidence à la salle Jean-Claude-Germain, il faut voir – pour entendre – ce Savoir compter pour les mots de Marianne Dansereau et pour le jeu.

La saison 2017-2018 est clairement celle des nouvelles voix féminines qui pullulent et se multiplient. Et c’est tant mieux.


Savoir compter Texte : Marianne Dansereau Mise en scène : Michel-Maxime Legault Avec Marianne Dansereau, Jérémie Desbiens, Annette Garant, Patricia Larivière, Michel-Maxime Legault, Mathieu Quesnel, Sébastien Tessier et Marion Van Bogaert Nolasco Dans le cadre d’une résidence à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’aujourd’hui, en collaboration avec le Théâtre de la Marée Haute 7 au 25 novembre 2017 - supplémentaires 18-29-30 novembre et 1er décembre 20h + 28 novembre à 19h (1h10 sans entracte)

Centre du Théâtre d’Aujourd’hui – salle Jean-Claude-Germain, 3900, rue Saint-Denis, Montréal Renseignements : 514-282-3900 – theatredaujourdhui.qc.ca

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