par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)
Isabelle Leblanc est une auteure, metteure en scène et comédienne qu’on a beaucoup associée à Wajdi Mouawad. On a pu apprécier leur complicité sur plusieurs des mégaprojets de ce dernier dont Rêves, Incendies, Littoral, Willy Protagoras, le Théâtre Ô Parleur. Mais au-delà de ça, Isabelle Leblanc n’en est pas à sa première collaboration avec le Théâtre de l’Opsis (Oreste à travers le temps). Voilà qu’avec Rita au désert, l’auteure et metteure en scène nous amène ailleurs. Dans le désert de Gobi au cœur d’un rallye comme celui des Gazelles mais aussi dans le sous-sol de l’imprimerie d’un journal régional qui, clairement, a connu de meilleurs jours.
On y rencontre le journaliste sportif Lucien Champion qui voit en la quinquagénaire Rita Houle, une «athlète» inconnue qui s’est inscrite au rallye, la chance de sortir de son vedettariat local bien modeste, un sujet qui le fera connaître lui aussi dans le milieu journalistique.
Mais dans son texte, Isabelle Leblanc multiplie les couches. Elle donne à Roger LaRue (Lucien) une partition vertigineuse que le grand comédien qui a toujours épaté dans des rôles «secondaires», autant du côté comique que du côté dramatique (ou même musical!) embrasse avec une virtuosité époustouflante. Accompagné sur scène par Alexandrine Agostini, une autre grande comédienne sous-estimée et sous «utilisée» sur nos planches (souvent cantonnée dans des petits rôles de «madame bizarre»), Roger LaRue multiplie les nuances et se sert tout autant de sa voix que de son corps (le mouvement a été confié au chorégraphe et danseur Frédérick Gravel et quelle heureuse initiative que celle-là!) pour transmettre toutes les couches de ce personnage complexe, tout aussi touchant que tristement tordu. Faisant presque office de spectre, de fantôme, d’ombre ou d’apparition au début, la présence d’Alexandrine Agostini, dans une performance où le silence est d’or, se déploie petit à petit et devient de plus en plus claire et essentielle. On est littéralement hypnotisé par cette Rita Houle et par l’interaction de cette Amazone au casque de course automobile avec celui dont elle est la bougie d’allumage, la muse, l’inspiration.
Le décor de Max-Otto Fauteux, hyperréaliste et surréaliste à la fois, l’envoûtante conception sonore d’Eric Forget, les éclairages volontairement blafards de Natasha Descôteaux… tout converge pour nous amener dans un ailleurs si près et si loin à la fois. Mais au cœur de tout ça? La partition d’Isabelle Leblanc pour le grand acteur qu’est Roger LaRue.
Rita au désert d’Isabelle Leblanc Mise en scène: Isabelle Leblanc Assistance à la mise en scène et régie: Ariane Lamarre Avec Roger LaRue et Alexandrine Agostini Décor: Max-Otto Fauteux Costumes: Leïlah Dufour Forget Accessoires: Julie Measroch Lumière: Natasha Descôteaux Conception sonore: Eric Forget Vidéo: Julien Blais Mouvement: Frédérick Gravel Maquillage: Justine Denoncourt-Bélanger Direction de production et technique: Éric LeBrec’h Production: Théâtre de l’Opsis et La Colline – théâtre national (Paris) en codiffusion avec le Théâtre de Quat’Sous Du 16 novembre au 4 décembre 2021 (90 minutes sans entracte) Mardi et vendredi à 19h, mercredi et jeudi à 20h, samedi à 16h Théâtre de Quat’Sous, 100, avenue des Pins Est, Montréal Réservations : 514-845-7277 Information: https://quatsous.com/programmation/saison-2021-2022/rita-au-desert Photos: Marie-Andrée Lemire
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