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«Ombre Eurydice Parle» d’Elfriede Jelinek: Têtes chercheuses


par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


Depuis toujours, le Théâtre Prospero fait connaître de nouvelles voix. Nouvelles pour nous, amateurs de théâtre d’Amérique du Nord francophone. Le théâtre d’auteurs scandinaves, russes, nordiques, germaniques. La féministe-condamnatrice-du-discours-émancipateur-des-femmes autrichienne Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature controversée de 2004, trouve un foyer sur la scène du Prospero avec Ombre Eurydice Parle, un lourd monologue ancré dans la mythologie grecque mais résolument modernisé et vigoureusement adapté par les créateurs du Théâtre Point d’Orgue avec le soutien de son co-diffuseur.



Le résultat, un étrange et dérangeant ovni théâtral, est interprété par deux comédiennes, une danseuse contemporaine et un chanteur. Eurydice, la même qui devait épouser Orphée mais s’est fait mordre au talon par un serpent le jour de ses noces et n’a pas survécu, scindée en trois femmes qui l’incarnent corps et âme, sous la plume de Jelinek, devient une écrivaine noyée dans l’ombre de sa rock star de fiancé qui tente de s’en émanciper, valises à l’appui. Macha Grenon, que l’on a très peu vue au théâtre, endosse l’Eurydice auteure avec conviction et aplomb. On fronce parfois les sourcils devant une diction inconstante, mais la bouleversante Nathalie Lapointe de Nouvelle adresse est solide.



Dans le rôle de l’ombre, celle qui fuit, Stéphanie Cardi offre une performance sans faille. La chorégraphe et danseuse Louise Bédard, dans une partition chorégraphique exigeante, raide, saccadée, est expressive, intense, sublime. En Orphée, Pierre Kwenders est tristement glacial et distant, mais on aurait tendance à mettre la faute sur le fait que la partition théâtrale ne permet que très peu d’interaction entre les interprètes, créant une production d’une froideur austère.





Certaines phrases frappent la cible, choquent, transcendent la froideur mais en général, il est difficile d’adhérer à cette proposition de Louis-Karl Tremblay et son équipe de créateurs.


Passionné de mythologie grecque et toujours friand de relectures, de «revisites» des grandes histoires de dieux helléniques, je suis tristement resté sur ma faim malgré tous les bons éléments de cette production à l’esthétique soignée.


Ombre Eurydice Parle de Elfriede Jelinek Traduction : Sophie Andrée Herr Travail d’adaptation: Stéphanie Cardi, Mathieu Leroux et Louis-Karl Tremblay Mise en scène: Louis-Karl Tremblay Dramaturgie et assistance: Mathieu Leroux Avec Stéphanie Cardi, Macha Grenon, Louise Bédard et Pierre Kwenders Scénographie, costumes et accessoires: Karine Galarneau Lumière et vidéo: Robin Kittel-Ouimet Musique originale: Steve Lalonde Soutien chorégraphique: Marilyn Daoust Coaching vocal : Luc Chandonnet Régie: Gabrielle Girard Une production du Théâtre Point d’Orgue en co-diffusion avec le Théâtre Prospero Du 11 au 27 avril 2019 (1h10 sans entracte) Théâtre Prospero – salle principale, 1371, rue Ontario Est, Montréal Renseignements : 514-526-6582 – theatreprospero.com

Photos: Marie-Noële Pilon

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