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«Numain» de Stéphane Crête: Du cercueil à l’autel au linceul

par Yanik Comeau (Comunik Média)



Depuis toujours, l’auteur-comédien Stéphane Crête explore et expérimente au théâtre. Ça remonte aux Laboratoires Crête. Toujours, il explore les limites de la représentation théâtrale, qu’il s’agisse d’explorations du corps dans l’espace scénique ou d’explorations du dialogue acceptable ou inacceptable sur scène (Mauvais goût l’an dernier sur la scène d’Espace Libre). C’est le cas encore avec le fascinant Numain – une performance «solo pour un humain et une poupée en silicone» – qu’il créé ces jours-ci à La Chapelle Scènes Contemporaines.



Numain, c’est un homme seul qui se fait livrer une poupée en silicone dans une boîte qui ressemble à un cercueil. Une femme qu’il déballe avec soin, comme un véritable rituel, et qu’il dépose, nue, sur une table qu’il a pris soin d’habiller. Sur cet autel, il apprivoisera sa nouvelle compagne, sa conjointe, et graduellement, on découvrira qu’il vit avec elle les mêmes étapes que vit un couple d’humains. Il passera à travers une multitude d’émotions, se livrera à une série d’explorations, d’expériences sensorielles qui se termineront par un adieu solennel, un enveloppage dans un linceul sur lequel il saupoudrera les pétales de la rose rouge qui ornait le «cercueil» du début.



Ce que l’on aurait pu croire une étrange perversion, un troublant assouvissement d’une dépravation sexuelle ou d’une carence affective demeure somme toute plutôt doux. Les pires dépravations que l’on aurait pu imaginer sont rapidement évacuées. Le personnage que nous présente Stéphane Crête est sans doute un être solitaire, isolé, asocial, triste, mais les préjugés que l’on pourrait avoir à l’égard d’un homme qui commande un tel «jouet» se nuancent rapidement.


Pendant soixante-cinq minutes, on se laisse aller à faire confiance au comédien-créateur et à sa poupée. On se laisse porter par le travail fascinant qu’il a développé avec l’experte en marionnettes, Marcelle Hudon, à l’exploration du mouvement d’une grande précision. Sans pudeur mais sans excès d’impudeur non plus, Crête laisse beaucoup de place à l’intelligence et à l’imagination du spectateur, l’invite à interpréter à sa façon ce qui lui est proposé. Comme en danse. Avec des codes, certes, mais une liberté d’interprétation. Bien qu’il soit soumis à certaines scènes qui pourraient troubler, créer de l’inconfort (à quoi sert l’art s’il ne fait pas ça par moments ?), le public y prend bien ce qu’il veut. Une proposition rafraîchissante.



Après avoir vécu une bonne dose d’inconfort (nécessaire) devant Mauvais goût l’an dernier, je m’attendais à ce que Crête monte d’une coche avec Numain. Au final, les deux œuvres sont clairement parentes au niveau de l’exploration, mais… j’aurai été beaucoup moins bousculé mais beaucoup plus touché par Numain, par la performance sans mots. Par le corps en mouvement, mis en musique.


Numain Conception, mise en scène et interprétation: Stéphane Crête Conseillère marionnettiste: Marcelle Hudon Œil extérieur: Didier Lucien Direction technique, régie et conception d’éclairage: David Poulin Direction de production: Cynthia Bouchard-Gosselin Décors, costumes, accessoires: Robin Brazill Bande sonore: Éric Forget En partenariat avec Festival Phénomena 7 au 12 octobre 2019 à 19h lundi, 20h mardi à vendredi, 16h samedi (65 minutes sans entracte) La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal Réservations : 514-843-7738 – www.lachapelle.org Photos: Philémon Crête et Cyntia Bouchard-Gosselin

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