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«Les Reines» de Normand Chaurette: Pique, carreau, trèfle, coeur...

Dernière mise à jour : 26 mars 2022

par Yanik Comeau (ZoneCulture/Comunik Média)


Les Reines fêtent leurs 30 ans. Pour célébrer cet anniversaire, UBU compagnie de création et le TNM s’unissent pour une troisième production montréalaise d’une des pièces les plus jouées de Normand Chaurette de par le monde. Grand amoureux de Shakespeare comme André Brassard, le metteur en scène à la création au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Chaurette réunit les femmes de Richard III pour leur donner la place que ne pouvait peut-être pas leur faire le Bard et pige dans la monarchie britannique en faisant fi de la ligne du temps pour compléter sa distribution. Denis Marleau, qui avait, une première fois, rassemblé six grandes comédiennes autour de ce texte en 2005 pour une coproduction jouée dans trois villes, remet ça cette année avec une distribution tout aussi impressionnante.



J’avoue bien humblement que la magnifique poésie de Chaurette m’avait échappé lors de ma première incursion dans Les Reines en 2005, malgré les excellentes interprétations de Christiane Pasquier, Ginette Morin, Béatrice Picard, Louise Laprade, Louise Bombardier et Sophie Cattani. J’étais sorti du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui frustré et déçu de ne pas avoir compris la pièce, avec l’impression d’être un abruti. Chaurette n’est certes pas un auteur «accessible». Mais autant Fragments d’une lettre d’adieu lus par des géologues a pu me laisser de glace et demeure un de mes pires souvenirs de spectateur (bon OK, j’avais 20 ans – faudrait que j’en revienne!), Provincetown Playhouse, juillet 1919, j’avais 19 ans à la lecture demeure encore à ce jour un de mes rêves bucket list de metteur en scène.



J’avais donc franchement peur de renouer avec Les Reines cette semaine et je me suis préparé parce que je savais qu’il me faudrait être assis sur le bout de mon siège pendant 90 minutes, les yeux et les oreilles aux aguets, si je ne voulais pas perdre le fil. Parce qu’elles sont opaques, ces reines, elles sont denses. Elles ne nous donnent pas de répit. Elles sont tout sauf reposantes. Prisonnières du somptueux palais que leur a construit Michel Goulet (qui avait aussi créé le décor de la production de 2005) pour les abriter de l’affolante tempête de neige «filmée» par Stéphanie Jasmin et «intégrée» par Pierre Laniel, elles attendent la mort d’Edward, le frère de Richard III qui, invisible à nos yeux (ne l’avons-nous pas assez vu dans la pièce de Shakespeare qui porte son nom, après tout?), parcourt la maison, claudiquant, éliminant sur son passage ceux qui voudraient l’empêcher de prendre la place de son frère mourant.



Dans le rôle de la pré-adolescente pas si innocente et naïve Anne Warwick, Sophie Cadieux est saisissante et incroyablement crédible malgré qu'elle joue une fille de trente ans sa cadette. Céline Bonnier compose une Isabelle Warwick, la grande sœur d’Anne, qui glace le sang, sa voix et son allure transformées. Complice de Marleau depuis Jackie, Sylvie Léonard est vieillie de près de vingt-cinq ans, enfilant avec un habile mélange de subtilité, de vulnérabilité, de force tranquille et de rigidité (sans jamais pour un instant tomber dans l’exagération ou la caricature) les chaussures portées par Andrée Lachapelle, Béatrice Picard et Denise Gagnon avant elle. Elle est simplement sublime tout comme Marie-Pier Labrecque, dans un tout autre registre, troublante et bouleversante, méconnaissable en Anne Dexter. Monique Spaziani et Kathleen Fortin apportent énergie, fraîcheur et humour (par moments) en Reines Marguerite et Elizabeth respectivement. Kathleen Fortin est tout particulièrement mémorable, se mouvant comme une tornade dans ce décor majestueux aux marches hasardeuses.



Les robes et les coiffes des souveraines, conçues par Ginette Noiseux, directrice d’Espace GO mais grande conceptrice avant tout, sont dignes des plus grands, François Barbeau, Mérédith Caron – j’irais même jusqu’à dire Alfred Pellan qui avait créé les costumes et le décor de La Nuit des Rois pour Jean-Louis Roux en 1968. Comme quoi les grands esprits finissent tous par rejoindre Shakespeare !



Comme le grand maître qu’il a traduit de si belle façon, Normand Chaurette n’est pas accessible à tous. Cette fois cependant, Denis Marleau, grand directeur d’acteurs (d’actrices !) devant l’éternel, aura su – un peu mieux pour moi – nous le faire entendre.


Les Reines de Normand Chaurette Mise en scène: Denis Marleau Assistance à la mise en scène : Carol-Anne Bourgon Sicard Avec Céline Bonnier, Sophie Cadieux, Kathleen Fortin, Marie-Pier Labrecque, Sylvie Léonard et Monique Spaziani Collaboration artistique et conception vidéo: Stéphanie Jasmin Décor: Michel Goulet Costumes: Ginette Noiseux Éclairages: Marc Parent Musique originale: Alexander MacSween Intégration vidéo: Pierre Laniel Maquillages: Florence Cornet Accessoires: Karine Cusson Assistance au décor: Marine Plasse Assistance aux costumes: Pierre-Guy Lapointe Assistance au son: Annie Préfontaine Une production du Théâtre du Nouveau Monde en collaboration avec UBU compagnie de création 16 novembre au 11 décembre 2021 (Durée: 1h30 sans entracte) Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://billets.tnm.qc.ca/tnm/#/69b93c64-1926-462a-8f4a-8b0795b8fc81/shop/select?fac=TNM&locale=fr-CA&skin=tnm Photos: Yves Renaud

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