par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
Dix ans après le «scandale» des Belles-Sœurs, il y a eu le «scandale» des Fées ont soif. Quarante ans après toute la controverse entourant la création (et la publication du texte) de la pièce de Denise Boucher, il y a eu l’été SLAV / Kanata… et, à l’échelle planétaire, le mouvement #moiaussi que Les Fées ont soif évoquait déjà à sa façon sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde en 1978. Aujourd’hui, il y a Denise Filiatrault, une des instigatrices de la création des Belles-Sœurs, qui fait appel à Sophie Clément, une des instigatrices des Fées ont soif, pour remonter un texte qui devrait sentir les boules à mites et le vieux sous-sol humide mais qui est tout aussi percutant, fort et contemporain qu’à l’époque du disco.
Lançant sa saison «Place aux femmes» (cinq metteures en scène qui s’entourent principalement de femmes à la conception également) avec ce texte majeur, la directrice artistique du Théâtre du Rideau Vert fait non seulement preuve de flair mais confirme encore une fois la pertinence de sa vision. La pièce de Denise Boucher, toujours tristement pertinente quarante ans plus tard malgré l’avancement des femmes, est aussi, encore et toujours, d’une grande beauté, d’une poésie limpide et chargée d’émotions. Drôle, touchant, poignant, choquant (oui, encore aujourd’hui, malgré toutes les balises de tabous repoussées), le texte dramatique de la poétesse (qui, rappelons-le, a aussi écrit les paroles de grandes chansons comme Un beau grand bateau et Qui te soignera, qui te guérira pour Gerry Boulet, entre autres) est aussi parsemé de puissantes chansons magnifiquement mises en musique par Catherine Gadouas qui signe une nouvelle partition d’une grande fluidité et qui colle tellement bien à l’œuvre.
Bien que l’on ait toujours parlé des personnages des Fées ont soif comme des archétypes (la mère, la putain et la statue), devant la mise en scène formidable de Sophie Clément et l’interprétation impeccable de Pascale Montreuil, Bénédicte Décary et Caroline Lavigne, on réalise à quel point c’est tristement réducteur. Non. Marie, Madeleine et La Statue sont des personnages à part entière, des femmes, des vraies, des «humaines», en chair, en os, avec des cœurs, des âmes, des émotions qui ne se limitent pas aux clichés des archétypes, aux stéréotypes. Le travail des comédiennes, appuyées par une metteure en scène en pleine possession du texte et de la direction qu’elle souhaite y donner, se traduit sur scène par une déchirante humanité qui rend les personnages attachants et captivants.
Aussi très bien dirigées par la compositrice pour les arrangements vocaux, Pascale Montreuil, Bénédicte Décary et Caroline Lavigne servent aussi bien les chansons dont les paroles font avancer l’action et présentent à merveille les états d’âme des personnages comme dans les meilleurs musicals. Difficile de ne pas faire un parallèle avec la magie qu’ont insufflé René-Richard Cyr et Daniel Bélanger aux monologues de Michel Tremblay pour en faire de grandes chansons dans Belles-Sœurs – musical.
Tout de cette reprise des Fées ont soif relève du génie. Parfois, le buzz est plus grand qu’une production le mérite, mais il n’en est rien ici. De la décision de Denise Filiatrault de programmer la pièce jusqu’à la dernière note écrite par Catherine Gadouas en passant par toutes les interprètes (sans oublier Patricia Deslauriers à la contrebasse et la formidable Nadine Turbide des Girls à Clémence et de Belle et Bum au piano – live !), tout fonctionne. Les Fées ont soif n’a rien perdu de son mordant et mérite chacune des supplémentaires qui se remplit de jour en jour. On parle d’une tournée? Il serait bien fou de priver le reste du Québec et du Canada francophone d’une telle production. Les Fées ont soif Texte: Denise Boucher Mise en scène : Sophie Clément Avec Bénédicte Décary, Caroline Lavigne, Pascale Montreuil. Musiciennes sur scène: Nadine Turbide, Patricia Deslauriers Musique originale, direction vocale et arrangements vocaux: Catherine Gadouas Décors: Danièle Lévesque Costumes: Linda Brunelle Éclairages: Julie Basse Une production du Théâtre du Rideau Vert Du 25 septembre au 10 novembre 2018 (1h20 sans entracte) À GUICHET FERMÉ *** Nouvelles supplémentaires: Salle Pierre-Mercure (Montréal): 8 et 9 janvier 2019 19h30 10 et 11 janvier 2019 20h 12 janvier 2019 16h 12 et 13 janvier 2019 20h *** En tournée à travers le Québec: 12 septembre au 14 décembre 2019 12 septembre 2019: Salle Desjardins - Saint-Hyacinthe 19 septembre 2019: Le Carré 150 - Victoriaville 20 septembre 2019: Salle Philippe-Filion - Shawinigan 26 septembre 2019: Théâtre Lionel-Groulx - Sainte-Thérèse
2 octobre 2019: Salle Michel-Côté - Alma 3 octobre 2019: Salle Pierrette-Gaudreault - Jonquière 11 octobre 2019: Salle André-Mathieu - Laval 24 octobre 2019: Théâtre des Deux-Rives - Saint-Jean-sur-Richelieu 26-27 octobre 2019: Salle Pratt & Whitney - Longueuil 29 octobre 2019: Salle Maurice O'Bready - Sherbrooke 1er novembre 2019: Théâtre du Vieux-Terrebonne 2 novembre 2019: Salle Rolland-Brunelle - Joliette 5 novembre 2019: Théâtre de Baie-Comeau 17 novembre 2019: L'Étoile Banque Nationale - Brossard 26 novembre 2019: Salle Léo-Paul-Therrien - Drummondville 2 décembre 2019: Salle Albert-Rousseau - Québec 13-14 décembre 2019: Salle Odyssée - Gatineau Théâtre du Rideau Vert, 4664, rue Saint-Denis, Montréal Réservations : 514-844-1793 Photos : Jean-François Hamelin
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