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«Les enfants d’Adam» de Audur Ava Ólfsdóttir: une tranche de vie familiale universelle

Dernière mise à jour : 9 mars 2021

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


Comme troisième pièce de son cycle scandinave, après le classique des classiques du norvégien Henrik Ibsen, Peer Gynt, Luce Pelletier et son Théâtre de l’Opsis ont choisi Les enfants d’Adam de la romancière et dramaturge islandaise Audur Ava Ólfsdóttir, un texte résolument contemporain, moderne, actuel, basculant parfois dans l’absurde, parfois dans le vitriol, parfois dans la tendresse, généralement avec bonheur.


Cette saga familiale, celle des enfants d’Adam, un papa mort, plus ou moins présent selon le point de vue de ses trois enfants, un ébéniste et amant « aux mains habiles » comme nous le rappellera la récipiendaire de ses caresses, leur maman, la lubrique et légèrement – juste assez – fêlée Élisabeth (jouée avec aplomb, sensualité et conviction par la délicieuse Dorothée Berryman qui multiplie les rôles au théâtre depuis quelques années pour notre plus grand bonheur et qui en est à sa première collaboration avec l’Opsis) est on ne peut plus universelle. La prémisse de départ – vieille comme le monde – l’est tout autant. Cette fois, cependant, au lieu d’être rassemblés autour du cadavre d’un parent – comme ils le pensaient – sœurs et beau-frère se réuniront dans la toute blanche et froide maison familiale autour d’une mère qui leur fait croire à son trépas éminent, mais qui leur annonce – au contraire – un genre de rebirth au contact de son fils prodigue.


Mais est-ce vraiment un rebirth ou la vraie naissance d’une septuagénaire que ses enfants ne connaissent juste pas ? La deuxième (ou troisième ?) vie d’une femme que ses enfants ont mis dans une boîte, une femme que ses enfants ont voulu imaginer comme une maman au foyer rangée et traditionnelle et comme une vieille bouffeuse de pilules mûre pour l’hospice ? Ils vont frapper un mur, ces enfants qui vivent dans l’illusion la plus totale.


Bien que le texte soit truffé de répliques savoureuses qui rappellent à la fois les univers d’Eugène Ionesco (drôle quand on pense que Dorothée Berryman s’attaquait à La Cantatrice chauve au Rideau-Vert pas plus tard que l’an dernier), de Claude Gauvreau (j’ai eu des relents de La Charge de l’Orignal Épormyable – à cause de cette famille tordue et troublante), de Réjean Ducharme moins les vertiges de la langue, j’ai été étonné à quel point cette production semblait dépourvue ou dépouillée de tous les éléments qui auraient pu nous brancher sur sa « scandinaveté ». À l’exception de quelques mentions de couronnes, l’unité monétaire de l’Islande, et du fait qu’il n’y ait pas beaucoup d’arbres dans ce pays nordique, on sent très peu la place de cette œuvre dans un cycle scandinave, au-delà du nom de l’auteure et, bien sûr, son pays d’origine.


Qu’à cela ne tienne, Les enfants d’Adam est un texte solide qui se consomme facilement, agréablement.


Malgré le fait que Luce Pelletier fasse ici, à mon sens, d’étranges choix de mise en scène (comme ces danses de Saint-Guy auxquelles se prêtent régulièrement les personnages pour ponctuer l’action ou ces apartés dans des micros sur pied qui auraient pu ne pas être amplifiés), elle dirige une distribution solide qui semble prendre son pied dans cet huis-clos éclaté.

Déjà mentionnée plus haut, Dorothée Berryman est comme un poisson dans l’eau nageant dans cet aquarium tout blanc pensé par Olivier Landreville. Daniel Parent, dans le rôle du fils prodigue Mikhaël, est ambigu à souhait, assuré, charmant et troublant au bord du précipice de l’inceste. Incarnant la plus jeune sœur, Anne-Élisabeth Bossé cristallise sous nos yeux son talent et sa maîtrise de la création de personnages. Pour sa part, Sébastien Dodge fait sien Martin, ce gendre qui veut paraître parfaitement en contrôle mais qui baigne dans l’insécurité, le malaise et l’inconfort. Une performance impeccable. Dans le rôle de sa femme rigide, la sœur aînée, Marie-Eve Pelletier semble avoir sérieusement besoin d’un massage ! Qu’on l’inscrive à des cours de yoga, de taïchi, qu’on lui desserre la mâchoire ! Un couple horriblement bien assorti.


Bien que Les enfants d’Adam ne passera pas à l’histoire comme une des grandes productions du Théâtre de l’Opsis, la pièce d’Audur Ava Ólfsdóttir, bien défendue, saura nous sustenter entre le mémorable Peer Gynt offert par Olivier Morin en janvier 2017 et ce que nous espérons sera une production plus marquante de J’appelle mes frères du jeune dramaturge et romancier suédois Jonas Hassan Khemiri, en tournée à partir de mars prochain.

Les enfants d’Adam Texte : Audur Ava Ólfsdóttir Traduction : Racka Asgeirsdottir et Claire Béchet Mise en scène : Luce Pelletier Avec Dorothée Berryman, Anne-Élisabeth Bossé, Sébastien Dodge, Daniel Parent et Marie-Eve Pelletier Une production du Théâtre de l’Opsis Jusqu’au 8 octobre 2017 (1h20 sans entracte) Studio Hydro-Québec du Monument National, 1182, boul. Saint-Laurent, Montréal Tournée automne 2018 13, 14 et 15 septembre: Théâtre de la Ville, Longueuil 20 septembre : Maison de la culture Frontenac, Montréal 28 et 29 septembre: Salle Odyssée, Gatineau 2 octobre: Salle J-A Thompson, Trois-Rivières 4 octobre: Pavillon de l’entrepôt, Lachine 6 octobre: Théâtre Palace, Granby 10 octobre: Centre culturel de Caraquet, Caraquet, N.-B. 11 octobre : Théâtre de l’Escaouette, Moncton, N.-B. 13 octobre : Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord 16 octobre: Salle Émile-Legault, Ville Saint-Laurent 17 octobre: Maison de la culture Plateau Mont-Royal 19 octobre: Quai 5160, Verdun 23 octobre: Maison de la culture Ahuntsic, Montréal 2 novembre: Maison de la culture Claude Léveillée, Montréal

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