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«Le Schpountz» de Marcel Pagnol/Emmanuel Reichenbach: Le grand rêve du petit villageois

Dernière mise à jour : 7 sept. 2019

par Yanik Comeau (ZoneCulture/Comunik Média)


À l’automne 2017, une troupe française visitait le Québec pour proposer le spectacle Dans l’univers de Marcel Pagnol – Du théâtre au cinéma, manifestation théâtrale qui comprenait aussi la pièce Marcel et Jules de Pierre-Tré Hardy à partir de la correspondance de Marcel Pagnol avec Jules Raimu. Ce spectacle nous plongeait vraiment dans l’univers de Pagnol, dans les dessous de sa vie, de sa carrière, de sa relation professionnelle avec Raimu.


Avec son adaptation 100% québécoise du film Le Schpountz écrit et réalisé par Pagnol et paru en 1938 avec Fernandel dans le rôle-titre, Emmanuel Reichenbach, à qui l’on doit aussi d’autres adaptations théâtrales de films français pour le Rideau Vert (Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? et Intouchables), garde l’essentiel de l’histoire mais la relocalise complètement au Québec, d’abord sur la Côte-Nord puis à Montréal. Tout ce qu’il restera de français là-dedans, ce sera un petit bout chanté du Je m’voyais déjà d’Aznavour !



Les fans de Jean de Florette, Manon des Sources, Marius, César et Fanny n’y retrouveront plus grand-chose. Et clairement, là n’était pas le but de l’exercice. Reichenbach a fait une adaptation solide et l’a parsemée de références culturelles contemporaines de chez nous, de notre star système local. Une fois le choc passé, on accepte la proposition.


Visiblement moins obsédée par le rythme qu’elle avait l’habitude de l’être, Denise Filiatrault à la mise en scène n’a néanmoins rien perdu de son désir de puncher. On ne sent pas l’histoire galvaudée ou accélérée outre mesure, mais les nombreuses transitions imposées par le texte, les changements de décors et d’accessoires sont chorégraphiés et les acteurs, comme des saltimbanques, des comédiens de théâtre de rue, déplacent les meubles et les décors en dansant dans la pénombre. Efficace et gagnant. Tout comme la sympathique histoire de Théo (attachant et très juste Rémi-Pierre Paquin) qui, dans son petit village de la Côte-Nord, rêve de faire carrière au cinéma et au théâtre. Quand débarquera une équipe de tournage qui lui fera miroiter la carrière de ses rêves, le pauvre villageois suivra son cœur et se le fera briser. Mais… un peu comme dans des histoires semblables (on ne peut pas ne pas penser ici au Dîner de cons), rira bien qui rira le dernier. Et surtout, notre pauvre schpountz s’avérera peut-être naïf, mais pas mal plus travaillant et méritant que l’on pourrait le croire au début.



Autour de Remi-Pierre Paquin, on se régale de retrouver Raymond Bouchard dans le rôle de l’oncle sympathique un peu bougon qui a élevé Théo et son frère lorsque leur père est décédé. Non seulement le personnage fait-il penser au maire de Sainte-Marie-la-Mauderne dans La Grande Séduction mais Bouchard vole le show sans le vouloir avec tous les meilleurs liners de la pièce. Stéphan Allard, Marilyse Bourke et Alexandra Cyr incarnent l’équipe de tournage qui se paie la tête de Théo avec différents niveaux de cynisme et de méchanceté. Ils sont tous très justes, tout comme Philippe Robert et Normand Carrière qui incarnent chacun deux rôles (le frère de Théo dans la première partie, le réalisateur prétentieux dans la deuxième pour le premier, l’employé de l’épicerie dans la première, l’agent de sécurité dans la deuxième pour le second) avec tant d’efficacité que certains spectateurs n’ont même pas réalisé qu’il s’agissait des mêmes acteurs. On se délecte aussi d’une Linda Sorgini colorée et un peu over the top dans le rôle de la productrice au-dessus de ses affaires mais plutôt juste et honnête au final. On aimerait pouvoir en dire autant de Mathieu Lorain Dignard mais à mon avis, il détonne tristement et ce n’est pas la première fois que ce comédien me fait froncer des sourcils, un peu comme le violoniste de l’ensemble qui ne joue pas la même note que les autres. Dommage.


Le décor super efficace de Jean Bard contribue à simplifier les changements de lieux et on devine qu’il a déjà été pensé en fonction de l’éventuelle tournée prévue à l’automne. La musique de Guillaume St-Laurent ponctue à merveille les scènes et les transitions ce qui ne fait qu’ajouter à l’efficacité de ce divertissement bon enfant ponctué de beaux moments touchants.



Le Rideau Vert termine donc dans la légèreté une saison qui est passée par toute une gamme d’émotions sans véritable fausse note. Commencer par un coup de poing comme Les Fées ont soif avec plus de supplémentaires que de représentations originalement prévues et terminer par une sympathique comédie comme Le Schpountz pour nous envoyer en été avec le sourire aux lèvres ? Efficace. Assez pour redonner le goût de revenir chez Denise.


Le Schpountz d’après le scénario de Marcel Pagnol Adaptation: Emmanuel Reichenbach Mise en scène: Denise Filiatrault Assistance à la mise en scène: Marie-Hélène Dufort Avec Rémi-Pierre Paquin, Stéphan Allard, Raymond Bouchard, Marilyse Bourke, Normand Carrière, Alexandra Cyr, Mathieu Lorain Dignard, Philippe Robert et Linda Sorgini Décors: Jean Bard Costumes: Pierre-Guy Lapointe Éclairages: Martin Sirois Accessoires: Claire Renaud Maquillages et coiffure: Jean Bégin Musique : Guillaume Saint-Laurent Perruques : Rachel Tremblay Une production du Théâtre du Rideau Vert Du 7 mai au 8 juin 2019 (Durée: 1h30 sans entracte) Théâtre du Rideau Vert, 4664, rue Saint-Denis, Montréal Réservations : 514-844-1793 Information: www.rideauvert.qc.ca Photos: François Laplante Delagrave En tournée à l’automne 2019 13 septembre : Laval 14 septembre : Joliette 20-21 septembre : Saint-Jean-sur-Richelieu 24 septembre : L’Assomption 9 octobre : Drummondville 12 octobre : Saint-Hyacinthe 17 octobre : Brossard 18 octobre : Granby 19 octobre : Terrebonne 25 octobre : Trois-Rivières 1er-2 novembre : Gatineau 7 novembre : Rivière-du-Loup 10 novembre : Saint-Eustache 16 novembre : Chicoutimi 17 novembre : Québec 22 novembre : LaSalle 23 novembre : Valleyfield 5 décembre : Victoriaville 11 décembre : Sherbrooke 13 décembre : Thetford Mines 18 décembre : Saint-Jérôme

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