top of page
Photo du rédacteur

«Le Reste vous le connaissez par le cinéma» de Martin Crimp: Le Débarquement des Phéniciennes

Dernière mise à jour : 11 juil. 2019

par Yanik Comeau (Comunik Média/ZoneCulture)


Martin Crimp est un des dramaturges les plus marquants de sa génération. Cette expression éculée est néanmoins vraie bien que l’on ne monte que sporadiquement ses pièces à Montréal malgré le fait qu’elles soient accueillies comme des vents de fraîcheur à chaque fois. On n’a qu’à penser au succès qu’on a réservé à son Traitement mis en scène par Claude Poissant dans le cadre du FTA en 2005, repris par la suite à Espace Go.


C’est justement sur la scène d’Espace Go que Christian Lapointe amène les Phéniciennes, ces jeunes féministes de l’ère grecque, revisitées par Martin Crimp à partir de l’œuvre d’Euripide. Cette relecture contemporaine de l’histoire d’Étéocle et de Polynice, fils d’Œdipe et de Jocaste, frères d’Antigone et d’Ismène, par le britannique Crimp, brillamment adaptée en québécois et mise en scène par Lapointe, est un véritable délice qui brasse la cabane, ne se gênant pas pour moderniser et vulgariser – parfois très vulgairement, mais que c’est donc bon ! – la légende de Thèbes.



Dans un décor amovible, résolument 2018 et hyper efficace conçu par Jean Hazel, Christian Lapointe dirige avec la finesse d’un orfèvre le chaos colossal qu’il crée avec son impressionnante distribution de quatorze comédiens dont les vivifiantes, opiniâtres et in your face choristes / cheerleaders / adolescentes de l’ère Instagram et YouTube. Ces interprètes formidables (certaines très jeunes, fraîchement sorties de l’école, d’autres un peu plus expérimentées comme Marie-Ève Perron et Ève Pressault qui m’avait jeté par terre avec son jeu physique l’an dernier dans le Sous la nuit solitaire d’Estelle Clareton et Olivier Kemeid au Quat’Sous et qui le fait encore ici) ne se contenteront pas de se tenir dans un coin pour commenter l’action comme le traditionnel chœur grec mais se mêleront ingénieusement à l’action et dynamiseront tout ce qui aurait pu être statique entre des mains moins habiles.


Bien qu’il s’agisse d’une pièce résolument POV féminin, menée par une Nathalie Mallette au sommet de sa forme en une Jocaste parfois drôle, parfois tragique, parfois froide, parfois lubrique, et par la rafraîchissante découverte époustouflante, Claudia Chillis-Rivard (finissante de l’École Nationale de Théâtre au printemps dernier !) dans le rôle d’Antigone, les hommes de la distribution ne sont pas en reste. Marc Béland en slip rouge et vieux casque de bain assorti fait un Créon étonnant, Gabriel Szabo et Jules Ronfard proposent des frères ennemis savoureusement contrastés, Éric Robidoux (qui m’a lui aussi soufflé dans Sous la nuit solitaire l’an dernier et qui sera Britannicus dans la très attendue relecture de Florent Siaud au TNM au printemps) un fascinant Œdipe pendant que Paul Savoie, qui arrive sur le tard, nous rappelle que less is more, que le talent brut ne s’illustre pas toujours par de grands éclats. Phénoménal. Enfin, il ne faut pas oublier l’extraordinaire performance de Lise Castonguay, une comédienne que l’on gagne à voir de plus en plus, formidable autant dans le rôle de la nourrice que lorsqu’elle intègre le chœur des «jeunes» plus tard dans le spectacle.


J’aime la dramaturgie grecque, j’aime Sophocle, Euripide, Eschyle, Aristophane… j’aime les relectures intelligentes et pertinentes voire irrévérencieuses, contemporaines, bien faites. Je ne peux m’empêcher de penser à feu Albert Millaire dans le Oreste du Théâtre de l’Opsis, au «tripatif» Oreste : The Reality Show de Denoncourt pour le même Opsis ou au formidable Antioche de Sarah Berthiaume à Fred-Barry l’an dernier. Cette pièce de Crimp, magnifiquement traduite et montée par Christian Lapointe, s’inscrit dans cette même lignée brillante. À Montréal jusqu’au 6 octobre, puis à Ottawa en novembre. *** Le Reste vous le connaissez par le cinéma (The Rest Will Be Familiar to You from Cinema) de Martin Crimp D’après Les Phéniciennes d’Euripide Traduction québécoise et mise en scène: Christian Lapointe Assistance à la mise en scène : Emanuelle Kirouac Dramaturgie : Andréane Roy Avec Marc Béland, Florence Blain Mbaye, Lise Castonguay, Claudia Chillis-Rivard, Gabrielle Côté, Laura Côté-Bilodeau, Mellissa Larivière, Nathalie Mallette, Marie-Ève Perron, Ève Pressault, Éric Robidoux, Jules Ronfard, Paul Savoie et Gabriel Szabo. Décor : Jean Hazel Costumes : Ellen Ewing Musique : Nicolas Basque Coproduction Espace Go / Carte blanche / Théâtre français du Centre National des Arts 11 septembre au 6 octobre 2018 (durée : 1h40 sans entracte) Espace Go, 4890, boulevard Saint-Laurent, Montréal. Billets: 514-845-4890 ***14 au 17 novembre 2018 au Centre national des Arts, 1, rue Elgin, Ottawa Photos : Yanick Macdonald

41 vues0 commentaire

Comments


bottom of page