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«Le Cid» de Corneille d’après Gabriel Plante: Relecture sonore baroque

Dernière mise à jour : 23 avr.

par Yanik Comeau (Comunik Média / Zone Culture)


Le moins que l’on puisse dire, c’est que, lorsque Gabriel Plante ‘relit’ une œuvre, il la déconstruit. Pour le meilleur et pour le pire. Avec Le Cid de Corneille, après son Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel qui tient toujours l’affiche du Théâtre Denise-Pelletier, le jeune auteur et metteur en scène reprend une des histoires d’amour les plus connues de l’histoire, celle de Chimène et de Rodrigue, et la réduit à sa plus simple expression.


La ligne dramatique, comme celle de Roméo et Juliette, celle de Tristan et Iseult, celle de Pelléas et Mélisande, n’est pas négociable. L’amour sera difficile, balisé de trop nombreuses épreuves et ne se terminera pas bien. Le père de Chimène, Don Gomès, est insulté par le père de Rodrigue, Don Diègue, qui affirme que ce premier n’aurait pu être nommé gouverneur de l’infant de Castille parce qu’il n’est pas digne de cet emploi. Don Gomès s’emporte et l’échange se termine par un soufflet, ultime insulte. Rodrigue sera tiraillé entre le mandat de venger son père et l’amour qu’il porte à la fille de celui qui a humilié le paternel.


Choisissant parmi les alexandrins les plus célèbres de la pièce, les passages les plus marquants d’une des œuvres incontournables de la dramaturgie mondiale, Gabriel Plante s’entoure de quatre interprètes d’un grand talent et faisant preuve d’une dévotion aveugle. Cet impressionnant quatuor se lancera corps et âme pendant 50 minutes dans un exercice physique et vocal des plus exigeants. Les vers seront déconstruits, les syllabes des alexandrins seront éructés, bégayés, chuchotés, hurlés, poussés, étouffés, répétés en chœur. Les corps seront tordus, pliés, traînés, torturés, triturés, heurtés, caressés. Une expérience sensorielle de tous les instants.



Parmi les comédiens, on retrouve Jocelyn Pelletier qui avait commis une expérience semblable avec son De l’instant et de l’éternité à l’Usine C la saison dernière, adaptant la Phèdre de Sénèque, un autre texte fondateur. Ici, Pelletier devient un Plutôt Rodrigue (l’expression de Plante) bestial, charnel, disloqué par moments. Avec lui, Amélie Dallaire en Plutôt Chimène et Élisabeth Smith en Plutôt L’Infante sont fascinantes, à la fois contraires et miroirs par moments. Interprétant Les Vieux Hommes, les pères, les rois, Gaétan Nadeau, qui avait intrigué dans Petite Sorcière la saison dernière Aux Écuries, impressionne par sa versatilité vocale tout autant que par sa capacité physique.


Bien que l’utilisation de micros ne soit pas toujours heureuse dans ce spectacle (comme dans combien d’autres, particulièrement à La Chapelle!), il faut néanmoins reconnaître la virtuosité de l’équipe technique qui semble mener de mains de maîtres cette production exigeante sur le plan technique. Éclairage et son prennent une place importante dans ce spectacle qui s’avère un exemple parfait de l’expérimentation théâtrale contemporaine.


La scénographie d’Odile Gamache – cette boîte froide et «claustrophobisante» sur laquelle se superpose la chambre surchargée d’accessoires qui pourrait être habitée par une entasseuse compulsive – est d’une efficacité redoutable. J’aime vraiment ce que fait cette fille, une découverte de spectacle en spectacle. Il faut aussi souligner la création d’éclairage de Julie Basse (encore une belle exploration) et la musique de Jacques Poulin-Denis (angoissante par moments, planante à d’autres).

Le Cid de Gabriel Plante – parce que l’on est bien loin de celui de Corneille – n’est certes pas pour tout le monde, mais on y puise des éléments fascinants et une créativité stimulante.


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Le Cid de Pierre Corneille Mise en scène: Gabriel Plante Interprètes: Amélie Dallaire, Élisabeth Smith, Gaétan Nadeau, Jocelyn Pelletier Scénographie: Odile Gamache Composition: Jacques Poulin-Denis Éclairages: Julie Basse Dramaturge: Félix-Antoine Boutin Direction technique: Gabriel Duquette Une production Création Dans la chambre 10 au 19 octobre 2018 à 20h (50 minutes sans entracte) La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal Réservations : 514-843-7738 – www.lachapelle.org Photo: Hugo B. Lefort

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