par Yanik Comeau (Comunik Média)
Créée en 1998 à la Compagnie Jean-Duceppe, Le Chemin des Passes-Dangereuses, comme la majorité des pièces de Michel Marc Bouchard, fait le tour du monde et est présentée dans plusieurs langues. Dans un brillant coup de chapeau pour fêter ses vingt ans, le directeur artistique sortant de Duceppe, Michel Dumont, invite la pièce à revenir au bercail, confiant la mise en scène à Martine Beaulne qui avait piloté la reprise des Muses orphelines du même auteur il y a cinq ans. Rien n’est laissé au hasard.
Avec l’accord et la complicité de l’auteur, la metteure en scène s’est entourée d’une distribution béton : le formidable Maxime Denommée (qui m’avait impressionné dans Les Muses orphelines et fait trépigner de bonheur dans Les Enivrés au Prospero plus tôt cette saison), le redoutable Alexandre Goyette et la sublime recrue (première présence chez Duceppe, nous rappelle-t-on dans le programme) Félix-Antoine Duval.
Ce trio de l’enfer nous replongera dans une fratrie tout aussi québécoise qu’universelle. Victor (l’aîné), Ambroise (son cadet) et Carl (le benjamin) sont trois frères on-ne-peut-plus dépareillés. Qualifiée de tragédie routière par l’auteur, la pièce est un huis clos au grand air, un genre de grand déjà vu pour les personnages alors que le triumvirat manque la même courbe que celle qui a tué leur père (la voix de Pierre Collin, bien choisie et ajoutée au texte de façon intéressante) alors qu’ils étaient adolescents. Cette mise en abîme forcée, le jour du mariage du plus jeune, servira à la fois de confessionnal, de terrain de règlement de compte, d’espèce de troublant jeu de vérité ou conséquence.
Misant sur son grand talent de directrice d’acteurs et sur la force de cette partition de haute voltige (même s’il ne s’agit pas de la meilleure pièce de Michel Marc Bouchard, à mon avis, il n’existe pas de MAUVAIS texte de Michel Marc Bouchard – qu’on se le dise !), Martine Beaulne propose une mise en scène serrée et sobre, mais pleine d’énergie et débordante de testostérone. Bien que les acteurs jouent parfois sur des niveaux différents (et je ne parle pas ici du décor, quoi que… j’y reviendrai…), ils demeurent incroyablement connectés, presque en symbiose. Particulièrement Maxime Denommée et Félix-Antoine Duval qui sont seuls en scène pendant toute la première moitié de la pièce et qui sont absolument formidables ensemble. Touchants, drôles, forts ! J’ai toujours adoré Maxime Denommée (vous rappelez-vous de son beau rôle dans la télésérie Rumeurs où il était l’amoureux de Sophie Cadieux, chauffeur de taxi ? Que de beaux souvenirs !) et, à mon avis, Félix-Antoine Duval, beaucoup plus jeune, est de la même trempe. Il fera bon le voir de plus en plus sur scène, lui que certains ont pu apercevoir dans L’Échappée, Marche à l’ombre et Pour Sarah à la télé. Pour sa part, Alexandre Goyette amène une étonnante fraîcheur au rôle de Victor, le personnage qui pourrait le plus facilement tomber dans la caricature. Heureusement, le comédien et la metteure en scène évitent cet écueil complètement.
Le décor impressionnant conçu par Claude Goyette consiste en quelques «grosses langues sales» (Merci, Michel Tremblay !) d’asphalte, comme si le Chemin des Passes-Dangereuses avait subi un tremblement de terre ou un éboulement. Efficace, poétique et beau à la fois.
Bref, cette nouvelle production du Chemin des Passes-Dangereuses mérite le déplacement. Décidément, la dernière saison de Michel Dumont à la barre de la direction artistique de la Compagnie Jean-Duceppe en aura été une très mémorable. On a déjà hâte au Bizarre incident du chien pendant la nuit.
Le Chemin des Passes-Dangereuses Texte: Michel Marc Bouchard Mise en scène: Martine Beaulne Avec Maxime Denommée, Félix-Antoine Duval et Alexandre Goyette. Une production de la Compagnie Jean Duceppe. Au Théâtre Jean-Duceppe (Place des arts, Montréal) jusqu’au 24 mars 2018 (Durée : 1h15 sans entracte). Billetterie de la Place des arts: 514-842-2112
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