par Yanik Comeau
Trois jours après avoir perdu sa mère, décédée à l’âge de 92 ans, la grande comédienne Markita Boies montait sur la scène du Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts pour revisiter l’adaptation théâtrale par Martin Faucher du roman La Fille de Christophe Colomb de Réjean Ducharme qu’elle avait créée d’abord sur la scène de la Salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en 1994.
Photo: Jérémie Battaglia
Stoïque et avec le professionnalisme qu’on lui a toujours connu, celle qui, depuis la Fille de Christophe Colomb, a revisité Ducharme et retravaillé avec Martin Faucher sur Autour du Lactume qu’elle promène un peu partout depuis quelques années, Markita Boies investit l’immense scène de l’ancien Théâtre Port-Royal (Martin Faucher fait un lien avec l’époque de Christophe Colomb et ce nom venu tout droit de la Cour de France) et on trouve là un autre lien, un autre clin d’œil à l’emplacement pour ces lectures présentées dans le cadre du FTA – Festival TransAmériques. Un lien avec les peuples autochtones qui investissaient l’île de Montréal, l’espace où a été construite la Place des Arts.
Avec sa dégaine légendaire, sa souplesse physique, son ressort dans le soulier, malgré le fait qu’il s’agisse d’une lecture, Markita Boies livre une performance remarquable, dynamique, empreinte de générosité et d’originalité. Comme le remarquait un spectateur lors de la rencontre avec les artistes après la lecture mardi soir, la comédienne est une grande lectrice mais aussi une grande interprète, multipliant les personnages, les voix, les accents pour donner toute la couleur que mérite le texte de Ducharme. Martin Faucher contribue aussi à dynamiser l’expérience en mettant véritablement en scène cet événement, intégrant du théâtre d’objets, des déplacements, de la musique, de l’éclairage.
Un de mes grands regrets de spectateur était d’avoir raté ce spectacle dans les années 90, moi qui suis un fan fini de Markita Boies depuis ses années dans la troupe permanente d’Olivier Reichenbach au TNM. Voilà que cette lecture sera venue mettre un baume sur cette plaie.
La Fille de Christophe Colomb projette Colombe Colomb dans le temps et la fait atterrir dans les années 60 à l’époque où Montréal vit l’Expo 67. Elle vivra toutes sortes de péripéties (et horreurs !) toutes plus loufoques et absurdes les unes que les autres, notamment une longue épopée digne de Jack Kerouac mais à laquelle se joindront une flopée d’animaux qui s’ajouteront au fur et à mesure comme les supporters qui couraient derrière Terry Fox ou Forrest Gump ! Véritable Noée des temps modernes, Colombe sera la porte-parole de Ducharme en matière d’environnement à une époque où l’on parlait trop peu de ces choses-là.
Toutes les fois que l’on a la chance d’être en contact avec l’écriture de Réjean Ducharme – ou le jeu de Markita Boies –, il ne faut pas rater sa chance. Comment ne pas se réjouir que Martin Faucher ait profité de son chant du cygne comme directeur artistique du Festival TransAmériques et, disons-le, de la pandémie qui favorise les spectacles à peu de comédiens, notamment les «monologues», pour reprendre La Fille de Christophe Colomb ?
La Fille de Christophe Colomb (lecture) de Réjean Ducharme Adaptation et mise en scène : Martin Faucher Avec Markita Boies Production Festival TransAmériques Les 8, 9 et 10 juin 2021 à 19h (durée : 1h15 sans entracte) Théâtre Jean-Duceppe, Place des Arts, Montréal. Info : www.fta.ca
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