par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
Quand un comédien et un metteur en scène travaillent ensemble régulièrement, ils développent une complicité, un langage symbiotique qui simplifie le travail, les collaborations et qui peut les aider à créer des performances et des productions d’une efficacité redoutable. Cette théorie s’applique sans contredit au duo metteur en scène/acteur Guy Sprung/Howard Rosenstein dont le partenariat sur Kafka’s Ape (Le Singe de Kafka), présenté ce mois-ci en anglais à Espace Knox et au Morin Heights Theatre avant une courte tournée des Maisons de la Culture de Montréal en français – avec le même comédien – est on ne peut plus impressionnant. L’écriture de l’auteur et philosophe Kafka est mise en lumière avec une limpidité épatante sans perdre un gramme de sa violente critique de l’humanité. Cette brillante pièce monologue de 70 minutes se doit d’être savourée par tous les amoureux de théâtre.
Le Singe de Kafka, c’est Redpeter, une «créature» capturée en Afrique du Sud et mise en cage. La bête en question est forcée à devenir «humaine» si elle veut récupérer un semblant de liberté mais elle finit par devenir encore plus bestiale que lorsqu’elle vivait à l’état sauvage. Le public rencontre un Redpeter recruté et formé pour joindre les rangs de Peace Industry (Industrie de la Paix?), un groupe de soldats mercenaires qui donnent des conférences à la TED-talk – mais bas-de-gamme – pour répandre la propagande de l’entreprise. Redpeter s’échappera parfois de son texte pour partager son expérience, des bribes de son supplice, mais non sans conséquences.
Affublé d’un fascinant mélange de prothèses, de maquillage et de costumes, Howard Rosenstein donne la performance d’une vie. L’acteur incarne le personnage plus grand que nature comme s’il était né pour le jouer, comme si toute sa carrière jusqu’à aujourd’hui devait le mener là. Le jeu physique requis est aussi exigeant que pour des personnages comme le Quasimodo de Victor Hugo, l’homme éléphant de Bernard Pomerance ou la Bête dans les nombreuses adaptations du conte classique de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Tout au long de la performance époustouflante de Rosenstein, on ne peut faire autrement que penser à tous ces personnages. Et pourtant, Rosenstein donne l’impression que rien n’est plus facile!
Le directeur artistique d’Infinithéâtre Guy Sprung signe une adaptation courte et efficace mais poétique et crue à la fois du Rapport pour une académie de Kafka. Exploitant chaque centimètre de l’Espace Knox et ses vestiges liturgiques, la mise en scène de Sprung donne à Rosenstein toute la latitude qu’il a besoin pour éclore. Le résultat est à couper le souffle.
Il est aussi très excitant de penser que Rosenstein ne jouera pas cette pièce fascinante seulement à Montréal dans les deux langues officielles mais qu’il s’envolera vers l’Asie pour présenter la pièce à un tout nouveau public aussi.
Kafka’s Ape (Le Singe de Kafka) de Franz Kafka adaptation de Guy Sprung Mise en scène: Guy Sprung Avec Howard Rosenstein Une production Infinithéâtre Du 8 au 27 février 2019 (Durée: 70 minutes sans entracte, différentes salles, représentations en anglais et représentations en français, voir calendrier) * Les 8, 9 et 10 février 2019, 20h/14h Espace Knox, 6215, avenue Godfrey, Notre-Dame-de-Grâce, Montréal Billetterie: 514-987-1774 poste 104 www.infinitheatre.com * 15, 16 et 17 février 2019, 20h/14h Morin Heights Theatre, 27 rue Bellevue, Morin Heights Billets disponibles en ligne www.infinitheatre.com * 19 et 20 février 19h30 EN FRANÇAIS Maison de la Culture Janine-Sutto (Frontenac), 2550, rue Ontario Est, arrondissement Ville-Marie, Montréal) Billets gratuits dans le cadre de la Tournée du Conseil des Arts de Montréal. Réservations: 514-872-7882 * 27 février 2019, 19h30 EN FRANÇAIS Maison de la Culture du Plateau Mont-Royal (Métro du Mont-Royal) Billets gratuits dans le cadre de la Tournée du Conseil des Arts de Montréal. Réservations: 514-872-2266
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