par Yanik Comeau (Comunik Média / ZoneCulture)
Le Groupe de la Veillée, qui depuis toujours s’est donné comme mandat, entre autres, de puiser dans la littérature étrangère pour nous faire découvrir des voix russes, scandinaves, allemandes, polonaises, notamment, lance sa saison 2017-2018 avec une pièce du norvégien Arne Lygre, Je disparais, une tortueuse balade déstabilisante dans un univers lyrique qui ne laissera personne indifférent.
Bien que le mot de bienvenue fragile et hésitant de la directrice générale et artistique de La Veillée, Carmen Jolin, d’entrée de jeu, ait semblé inutile, superflu et empreint de malaise, étirant pour rien le début du spectacle le soir de la première, peut-être aurait-il été intéressant d’avoir une meilleure mise en contexte avant d’assister à ce spectacle étrangement hermétique et inaccessible.
La belle poésie percutante du romancier, nouvelliste et dramaturge – apparemment traduite avec grande finesse et une belle sensibilité par Guillaume Corbeil, un de nos jeunes hommes de lettres encore sous-estimé – nous happe dès les premières minutes, les premières phrases du monologue d’ouverture de la sublime Marie-France Lambert dans le rôle de Moi, une femme qui a un mari, une amie, et qui nous entraînera dans une mise en abîme vertigineuse. Bien que je me sois laissé transporter dans sa réalité, dans sa fiction et dans sa « fiction dans la fiction », j’ai eu peine à suivre le fil dramatique de la pièce et je crois que cette difficulté relève davantage des choix de la metteure en scène Catherine Vidal qui semble s’être embourbée dans sa propre mise en abîme alors qu’il aurait fallu qu’elle explore les trajets à débroussailler vers une plus grande limpidité.
Cela étant dit, le texte de Lygre n’est pas sans reproche lui non plus. L’arrivée du Mari de Moi, incarné sans grande conviction ou émotion par un James Hyndman anormalement mal assuré et égaré, après (selon mon estimation) près d’une heure de spectacle alors que disparaissent complètement les trois femmes que nous avons suivies depuis le début (Marie-France Lambert, une Macha Limonchik inégale et Larissa Corriveau qui semble souffrir d’une partition trop mince) est un des éléments désagréablement déstabilisants de la pièce.
La scénographie inexistante (qui a passablement agacé mon accompagnatrice, technicienne de scène, qui voit là une triste mode), un choix naturel lorsque l’on souhaite mettre de l’avant un texte fort et profond, s’est néanmoins avéré un choix peu judicieux ici. Tout mettre sur les épaules des éclairages de François Marceau et sur celles de la conception sonore de Francis Rossignol (agréablement mystérieuse, troublante et originale) n’aura pas fait grand-chose pour éclaircir le chemin.
Au-delà de la prestation mémorable de Marie-France Lambert, je préfère donc mettre derrière moi cette première production de La Veillée, quitte à me procurer le texte de Lygre dans un futur rapproché pour l’apprécier à un autre niveau… peut-être. N’empêche que j’ai très hâte de voir Les Enivrés d’Ivan Viripaev, dans une mise en scène de Florent Siaud, avec une autre impressionnante brochette d’acteurs qui comprend, entre autres, David Boutin, Benoit Drouin-Germain, Maxime Denommée, Maxim Gaudette, Dominique Quesnel, Évelyne Rompré et Marie-France Lambert encore une fois.
Je disparais Texte : Arne Lygre Traduction : Guillaume Corbeil Mise en scène : Catherine Vidal Avec Larissa Corriveau, James Hyndman, Marie-France Lambert, Marie-Claude Langlois, Macha Limonchik Une production du Groupe de la Veillée Du 26 septembre au 21 octobre 2017 (1h20 sans entracte) Théâtre Prospero – salle principale, 1371, rue Ontario Est, Montréal Renseignements : 514-526-6582 – theatreprospero.com Photo: Matthew Fournier
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