par Yanik Comeau (ZoneCulture/Comunik Média)
Après avoir connu un énorme succès lors de sa création au printemps 2019 au Périscope à Québec (meilleur texte original, Prix de théâtre de Québec et Prix de l’AQCT; Œuvre de l’année dans la Capitale-Nationale, Conseil des arts et des lettres du Québec), Foreman de Charles Fournier reprend du service et envahit la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier avant de partir en tournée. Signe que les arts de la scène reprennent vie avec énergie.
Foreman, c’est cinq gars dans une cour à bois. Mais encore ? La première pièce du comédien Charles Fournier, qui a déjà travaillé dans le domaine de la construction, est une étude prenante de la masculinité contemporaine dans toute sa maladresse, une exploration volontairement claudicante de l’émotion au masculin sous toutes ses formes. Les cinq personnages sont une gang de chums, anciens ados qui se sont connus au secondaire (ou avant dans certains cas) et qui ne se sont pas lâchés – ou pas longtemps. Malgré les blondes, le manque de blondes, le travail, le chômage… Ils sont semblables et différents, se reconnaissent l’un dans l’autre tout en se méconnaissant, s’aiment et se tapent sur les nerfs, se jugent et se comprennent. Comme des frères.
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que Foreman était – sans aucun doute sans le savoir – une réponse masculine à la Table rase de Catherine Chabot où une gang de filles se rassemblaient pour régler des comptes et dire adieu à l’une d’entre elles. Dans Foreman, c’est le père de Carlos (Charles Fournier, nomination, Meilleure interprétation masculine, Prix de l’AQCT) qui est au cœur du rassemblement. Le père comme modèle, pour le meilleur et pour le pire. Intercalés par des scènes de chœur extrêmement réussies et des chorégraphies qui s’apparentent à des exercices de boot camp réglées au quart de tour qui expriment à la fois la souffrance, le désespoir et juste l’épuisement d’être un gars par boutte, les scènes de Foreman permettent de découvrir différentes couches des personnages, toute leur richesse dans leur simplicité, dans leur ordinaire.
Les cinq comédiens sont criants de vérité, tant dans leurs chuchotements et leurs confidences que dans leurs cris et leurs déchirements. Chacun à sa façon, ils touchent, dégoûtent, émeuvent, révoltent,... on a envie de les consoler autant que de les battre ! Ils font rouler des yeux autant qu’ils font rire. Ils sont séduisants tout autant qu’ils sont repoussants, attirants autant qu’ils sont répugnants.
Mis en scène par une fille (Marie-Hélène Gendreau, conseillère artistique sortante du Périscope, metteure en scène, entre autres, de Les Enfants chez Duceppe et Le Vrai Monde ? au Trident) et un gars qui admet lui-même qu’il fitte pas trop dans cet univers (Olivier Arteau, l’auteur et metteur en scène de Doggy dans Gravel, Made in Beautiful (La Belle Province) et un des créateurs derrière (et devant de) La Pudeur des urinoirs au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui), Foreman ne recule devant rien, ne semble en rien se censurer ou se freiner. C’est là, ça existe, on édulcorera pas, take it or leave it.
Difficile de ne pas se laisser prendre aux tripes par cette pièce qui brise le quatrième mur quand Carlos s’adresse directement au public et, en confiant ses secrets et ses anecdotes d’enfance et d’adolescence, nous rejoint tous d’une manière ou d’une autre dans l’universel.
Foreman est loin d’être une comédie proprement dite mais le drame – les drames pluriels – de ces «vrais gars», ces milléniaux qui sont tellement pas si différents des boomers et des X et Y qui les ont précédés, est parsemée de nombreux moments comiques parce que c’est souvent parce que c’est vrai que c’est drôle.
Foreman de Charles Fournier Mise en scène: Olivier Arteau et Marie-Hélène Gendreau Complice à la création: Catherine Côté Assistante à la mise en scène: Maria Alexandrov Interprétation: Pierre-Luc Désilets, Miguel Fontaine, Charles Fournier, Steven Lee Potvin et Vincent Roy Éclairage et régie: Mathieu C. Bernard Scénographie: Amélie Trépanier Costumes et accessoires: Mélanie Robinson Conception sonore: Vincent Roy Une production de Mon Père est Mort Du 19 octobre au 6 novembre 2021 (1h45 sans entracte)
*** Supplémentaires: Samedis 30 octobre et 6 novembre 2021 à 20h Salle Fred-Barry (Théâtre Denise-Pelletier), 4353, rue Sainte-Catherine, Montréal Réservations : 514-253-8974 Tournée québécoise automne 2021 Du 9 au 27 novembre 2021 au Périscope à Québec 30 novembre: Centre des arts de Baie-Comeau 2 décembre: Salle de spectacles Jean-Marc-Dion (Sept-Îles) 4 décembre: Salle de spectacles régionale Desjardins (New Richmond) 7 décembre: Salle de spectacle de Gaspé 18 décembre: Pavillon de l’Île (Châteauguay)
***Nouvelles représentations: Salle Fred Barry (Théâtre Denise-Pelletier): 3 au 12 novembre 2022 Photos: Ève-Maude TC
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